Sorti en 1927 au Royaume-Uni, Easy virtue (trad. Petite vertu, titre français « Le passé ne meurt pas »), est un film muet d’Alfred Hitchcock, adapté d’une pièce de théâtre de Noël Coward. L’ouverture se fait par le procès en divorce d’une femme relativement riche, dont le mari était convaincu de son infidélité avec le peintre qui en faisait le portrait, procès qu’elle perdra, les apparences étant contre elle alors que factuellement elle n’avait pas commis l’irréparable (thème de l’innocence accusée permanent dans l’œuvre hitchcockienne). La jeune divorcée, humiliée, cachera son visage des photographes à la sortie de ce procès. Le spectateur la retrouve ensuite sur la Côte d’Azur, où elle s’enregistre à l’hôtel sous un faux nom pour ne pas être importunée. Un jeune homme s’en éprend, lui fait la cour et la demande en mariage. Elle hésite à lui dévoiler son passé, mais il affirme ne pas s’en soucier. Installée dans le domicile familial de son nouveau mari (cela rappelle Rebecca), l’héroïne souffre du mépris que lui affiche très clairement sa belle-mère. Progressivement, son mari, influencé et veule, se distancie également de son épouse. La belle-mère découvrira dans des journaux que sa bru est une ancienne divorcée ; après l’avoir de nouveau humiliée en famille, et afin d’étouffer le scandale, elle lui demande de rester cloîtrée dans sa chambre lors d’une réception guindée. La jeune femme désobéit, contredisant sa belle-mère qui affirmait aux invités qu’elle avait une migraine, et demande elle-même la séparation. A la fin du procès de ce second divorce, elle prend la pose devant les photographes, leur précisant de « tirer » car tout est mort en elle (une réplique finale qu’Hitchcock estimera plus tard ridicule mais qui sauve pourtant quelque peu l’intérêt du film).
Si le réalisateur s’essaye habituellement à différentes innovations techniques, elles demeurent assez rares dans Easy virtue. On retiendra les zooms sur les personnes du procès lorsque le juge porte son monocle à son œil, l’intelligence des gros plans successifs sur les profils du plaideur et de l’accusée pour donner une impression de répliques malgré l’absence de paroles, et surtout la scène où c’est par le truchement des réactions faciales d’une standardiste que le spectateur comprend la réponse positive à la demande en mariage de l’héroïne à son aspirant. Pour la première fois ici, Hitchcock procède à des flashbacks, lorsque le contenu oral du premier procès est pertinemment remplacé par les scènes survenues au domicile de la jeune femme. Le second procès, débutant comme le premier par la coiffe du juge, fait donc également office de flashback sur le premier.
Malgré ces atouts, Easy virtue (ou Le passé ne meurt pas) se laisse regarder sans déplaisir, mais n’apparaît pas comme une œuvre majeure du réalisateur. Nous retiendrons cependant qu’il s’agit du premier film du réalisateur où le personnage principal est féminin.