Après s'être résolu à engager Tom Hanks dans Il faut sauver le soldat Ryan, alors que cela posait une polémique puisque ces deux grandes figures du cinéma américain étaient amis dans la vraie vie, il réitère pour le meilleur avec Catch Me If You Can. Tout en révélant DiCaprio sous un nouveau jour, dans un de ses meilleurs rôles. Sans oublier un Christopher Walken qui frise le génie, et une pléthore de performances admirables. Le casting s'impose à l'image du film : à la fois luxueux et plein de fraîcheur. Spielberg filme avec un rythme effréné un scénario tirée de faits réels, un formidable équivalent de Forrest Gump pour la décennie 2000, avec de l'humour, de l'action, des rebondissements qui fusent, et une dimension philosophique. C'est long de 2h20, et ça n'en paraît que la moitié. Les personnages sont très bien écrits, normal ils ont existé, mais il s'agissait de faire de cette histoire vraie un conte moral, ce qui n'est pas sans risque de céder aux stéréotypes, voire au manichéisme. Ici ils sont tous nuancés, attachants, même la mère de Frank Abgnale que l'on sent un peu clichée finit par se montrer un brin complexe. Le film donne une belle leçon de vie, aligne les idées croustillantes avec fluidité, devient haletant, ou simplement beau sans jamais sombrer dans la guimauve, puis atteint un sommet de paradoxe lorsque Abgnale termine son récit et que le film ne se déroule plus que dans le présent. On a alors droit à un second final à Noël, une seconde montée crescendo dans l'émotion qui prouve que Spielberg est décidément un des meilleurs canalisateurs de sentiments premiers degrés d'Hollywood de notre temps, à l'heure des Nolan cérébraux et des Tarantino second degrés. Frank Abgnale inspire toute notre pitié malgré ses multiples actes illégaux, on est peiné de le voir attrapé et en conflit avec lui même, on se dit que ce fabuleux appétit de la vie qui lui en fournit une si remplie et passionnante va s'éteindre en prison, et on constate que c'est la cas. Mais pas de gâchis au final, cela se finit bien, ouf, avec une justesse morale magistrale qui déloge à toutes les naïvetés enfantines souvent très agaçants que Mr Spielberg nous impose habituellement. Du côté visuel c'est un enchantement, la photographie lumineuse de Janusz Jaminski transfigure les somptueux décors qui flamboient, la caméra glisse à la suite de DiCaprio à la façon d'un Indiana Jones où d'un James Bond pour se reculer en plans larges englobant des décors quasi oniriques chargés de symbolique (le village français à Noël), ou pour se rapprocher lors des instants intimes ou familiaux. Enfin la musique de John Williams en mode « relativement novateur » colle parfaitement aux images en s'adaptant avec dextérité à chaque changement de registre. En gros, Arrêt moi si tu peux est un pur délice au sein de la filmographie de Spielberg.