Lorsque l’on évoque avec autrui la filmographie du prolifique et ingénieux Steven Spielberg, le titre Attrape-moi si tu peux ne ressort que très rarement. Il en va de même lorsque l’on se penche sur les carrières respectives de Leonardo DiCaprio et Tom Hanks. Et pourtant. En effet, si le film de Spielberg n’est semble-t-il pas reconnu à sa juste valeur, il n’en demeure pas moins une œuvre majeure, un long-métrage aussi personnel que référencé, s’inspirant des écrits et aventures du faussaire le plus charismatique de l’histoire du 20ème siècle, Frank William Abagnale Jr. Aux travers d’un récit évolutif passionnant et de nombre de scènes ingénieuses, le célèbre cinéaste dresse le portrait rythmé d’une légende de l’escroquerie, coupable aussi bien de détourner de l’argent via de faux chèques aussi bien que de plaire aux communs des mortels. Le faussaire est ici un type aimable, un vrai boute-en-train que Spieberg définit comme l’ingéniosité réincarnée, sans parler du culot.
Si la collaboration entre le cinéaste et Tom Hanks n’est absolument pas une première, le réalisateur ose confier le premier rôle de son nouveau projet à la star montante au début des années 2000, Leonardo DiCaprio. Le jeune comédien, déjà pleinement en possession de ses moyens, compose un personnage atypique dans le paysage du drame hollywoodien. Ambitieux, attachant, le personnage du faussaire est un modèle de dynamisme, confronté à des personnages lumineux, je pense là, outre à Tom Hanks, à un formidable Christopher Walken, à une remarquée Nathalie Baye ou encore à un plus timoré Martin Sheen. Le casting est de haute volée et tous les interprètes semblent se prêter au jeu du réalisateur pour servir quelques scènes parmi les mieux écrites de ce début de nouveau siècle.
Au son d’une BO raccord à l’époque, une BO Jazzy signée John Williams, Steven Spielberg ne relâche jamais le rythme de son récit et ne perd jamais la tension qui rend le périple de son personnage si captivant. Sur le fil du rasoir mais toujours plus malin qu’autrui, le faussaire s’échappe, se réinvente et ridiculise, en quelques occasions, un agent du FBI rigide auquel, avec un certain humour et une bonne dose d’humilité, Tom Hanks, offre toutes ses lettres de noblesse. Le film, qui se compose comme une vraie partie de cache-cache entre les autorités et un criminel que l’on amie adorer, est sensiblement comique. Si Arrête-moi si tu peux n’est pas à proprement parler une comédie, Spielberg en fait pourtant un modèle de mixité entre rire, drame, criminalité et film familial. Un exemple, là-encore, à suivre.
Sous ses airs de films à succès tout public, de comédie dramatique populaire, se cache en fait un drôle de gros film, habilement écrit, réalisé et monté, sans compter sur nombre d’interprétation sublimes. Steven Spielberg n’en n’est certes pas là à son niveau le plus imaginatif, il s’agit somme toute d’une sorte de biopic, mais le réalisateur fait parler tout son savoir-faire pour transformer ce qui aurait été une pâle relecture d’une légende dans les mains d’un artisan de cinéma inexpérimenté ou téléguidé par des studios en une œuvre magistrale et ingénieuse. Oui, même si le légendaire metteur en scène n’a pas tout pleinement réussi durant sa carrière, Arrête-moi si tu peux, malgré son manque certain de reconnaissance public, est l’un des tout bons films du créateur de Jurassic Park et des Dents de la mère, et par la même occasion, l’une des plus belles apparitions à l’écran d’un acteur aujourd’hui intouchable. 18/20