Premier opus de sa tétralogie dite " des travailleurs", ( le quatrième " les feuilles mortes" a été présenté en CO à Cannes 2023) " ombres au paradis" comporte déjà les ferments de ce qui donnera naissance au style inimitable du cinéaste finlandais A Kaurismaki.
A travers l'histoire de la rencontre entre une caissière et un éboueur d'Helsinki, Kaurismaki présente les éléments scénaristiques qu'il reprendra à l'envi.
La solitude, la rudesse et l'injustice du marché du travail, le monde ouvrier, l'agression dans la rue, le séjour à l'hôpital, l'amitié, la loyauté de classe, la consommation immodérée d'alcool, les bars, la volonté de monter sa propre affaire, les chansons populaires dont les paroles illustrent le climat et l'intériorité des personnages, le blues, le rockabilly américain.
Ici les codes formels ne sont pas encore totalement fixés ( le jeu de couleurs choisies parmi des teintes éclatantes, le mobilier intérieur constitué d'équipements anciens - téléviseurs fatigués, tourne disques premier prix, disques vinyles sans pochette) même si on en trouve la trace ici ou là.
Il reste aussi la photo et l'éclairage dont on perçoit la pente qu'ils prendront dans la suite dans la suite de la filmographie du metteur en scène.
" Ombres au paradis" réserve une fin ouverte et optimiste, Kaurismaki est alors encore jeune et l'espoir toujours présent sert à lutter contre l'adversité, à ne pas tomber dans la mélancolie la plus totale.
Le casting de cet opus ( un des premiers du cinéaste) permet de retrouver l'égérie du cinéaste Katti Outinen et de l'acteur masculin Matti Pellonpaa, qu'il emploiera pendant plusieurs opus avant sa disparition prématurée.
A mes yeux, on a ici affaire à un des titres les plus réussis d'un cinéaste que la filmographie place dans les sommets du septième art de ces trente dernières années.