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Flavien Poncet
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4,0
Publiée le 28 mars 2007
Semblant être une fiction par la multiplicité audacieuse de ces points de vue dû à une disposition efficace et planifié des caméras, «La Rosière de Pessac» (France, 1968) et «La Rosière de Pessac 79» (France, 1979) n'en sont pas moins un documentaire, dans le sens où le réel est capté dans un environnement naturel. Les deux «La Rosière de Pessac» touche par la particularité de sa tradition et la codification de son déroulement. Mais ce diptyque signé Jean Eustache prête à rire par les failles humaine perlant tendrement au sein des codes préétablis. Dans «La Rosière...» de 68, lorsque le maire, démagogue et incarnation humaine pleine de son rôle de politicien, dans son discours final dérive inconsciemment mais pour la première fois vers une exposition véritable de ces sentiments, le film dégage une tendresse vraie. Et le film, dans sa trouble identité de documentaire hanté par la fiction pose au passage la question du documentaire, question encore irrésolue de nos jours. Mais «La Rosière...» de 79 et de 68, dans cet ordre voulu par Eustache lui-même, illustre une tradition rurale. La vision des deux épisodes dans leur chronologique inverse permet tant de constater de l'irréversibilité de l'évolution des moeurs que de fouiller à l'origine. Allant de 79, temps dénué de travailles, à 68, temps de révolution juvénile, en quelques instants, le moment de passer d'une bobine à une autre, Eustache nous donne donc là à voir un constat fulgurant, touchant et drôle puisque la caméra et notamment ce qu'en produit le montage donne à voir avec nostalgie. «La Rosière de Pessac» de 68 et 79, documentaire hors pair dans l'expérience qu'il donne à vivre, possède en plus de ça une âme depuis oublié par le sensationnel des documentaires contemporains.
A mi-chemin entre le documentaire et la fiction, cette première Rosière est - comme la suivante - un témoignage inestimable sur son époque, où l'on perçoit indiciblement le fossé entre les notables et la jeunesse du baby-boom, qui aspire moins aux biens matériels et à l'opulence qu'à la liberté et à l'affirmation de sa condition. Avec une discrétion exemplaire, la caméra observe le déroulé de cette journée d'élection puis des jours de représentation et d'inaugurations diverses, captant l'humanisme de certain(e)s et la roublardise de beaucoup (le maire et ses acolytes). Cependant, aucun jugement n'affleure au fil du récit, juste une mise en perspective naturelle où chacun est à sa place, indépendamment de celle de la caméra. Du grand art.