Un best-seller ayant reçu l’un des prix littéraires américains les plus prestigieux et étant devenu un objet d’études dans de nombreuses écoles et universités américaines a de quoi donner l’envie de l’adapter au grand écran. C’est chose faite, mais déjà les choses commencent mal en ce qui concerne la version française pour ne pas avoir su garder le titre original : "Cold Mountain". Parce que le spectateur devinera très tôt que le héros masculin du film parviendra à revenir. Mais dans quelles conditions et quel état ? Heureusement, ça reste à déterminer. Le scénario met en avant une grande histoire d’amour, un amour fort entre deux êtres qui se connaissent à peine. Un amour inexplicable et inexpliqué, comme l’est souvent ce sentiment quand il est pur. Dès lors le spectateur s’attend à un propos puissant pour être transporté vers les plus hauts sommets des émotions et du rêve. Oui ben ce n’est pas tout à fait ça. En tout cas pas comme il avait pu être transporté à travers "Out of Africa" ou encore "Sur la route de Madison", pour ne citer que ces deux films-là. Bien sûr, ce n’est pas le même casting, mais on a quand fait appel à des acteurs chevronnés qui n’ont plus vraiment besoin de faire leurs preuves dans ce périlleux exercice qu’est le métier d’acteur. Entre Nicole Kidman, Jude Law, Renée Zellweger, Donald Sutherland, Natalie Portman, Giovanni Ribisi, Brendan Gleeson et le regretté Philip Seymour Hoffman pour ne citer qu’eux, il y a de quoi rassembler du monde devant les écrans. Sauf qu’on ne ressent pas autant qu’il le faudrait cet indéfinissable sentiment qui unissent les deux êtres issus de deux mondes différents. Attention, je ne dis pas que ça ne vaut rien, sinon ma note ne serait pas en phase avec mon propos. Non je dis juste que le ressenti se devait d’être plus puissant. C’est pour ainsi dire la seule chose que je pourrai vraiment reprocher à ce film, si on met de côté le titre de la version doublée en français. Parce qu’en dehors de ça, c’est parfait. C’est tourné comme une grande fresque classique d’Hollywood, peut-être un peu trop. La mise en scène est élégante, le récit est romancé à souhait pour mettre en avant cette belle histoire, mais à trop vouloir mettre les sentiments sur le devant de la scène, on prend le risque de leur faire prendre une allure forcée. Trop de sentiments tuent les sentiments. La faute sans doute à une présence d’effets destinés à porter aux nues une belle histoire, je ne sais pas. Comme la musique un tantinet trop présente, et/ou un manque de douce dramaturgie. Pourtant l’interprétation des deux acteurs principaux intéressés est irréprochable. La photographie est superbe, tout comme le sont les décors et les costumes, ainsi que la reconstitution de la Bataille du Cratère, grand événement de la Guerre de Sécession. La lumière naturelle parachève ce vrai travail de sape pour immerger totalement le spectateur dans l’époque. Mais au-delà de cette histoire d’amour, "Retour à Cold Mountain" nous permet de découvrir certains faits liés à ce conflit, comme l’implacable chasse menée aux déserteurs. Des faits d’une barbarie sans nom, allant des exécutions sommaires aux crimes sexuels. Pour certains personnages, on devine aisément très tôt ce qu’ils nous réservent. Il y va ainsi de Teague (Ray Winstone) et de son jeune homme de main Bosie (Charlie Hunnam), le plus effrayant. Pour autant, on va davantage s’attacher aux personnages secondaires, bien que certains d’entre eux n’apparaissent que très peu. C’est d’abord le cas de Ruby (Renée Zellweger, à la fois si proche et si loin de son personnage Bridget Jones), ensuite de Georgia (Jack White), et puis surtout de Pangle (Ethan Suplee). Malgré tout, "Retour à Cold Mountain" reste un bon film grâce à son bon rythme amené par un excellent montage et la partition de Gabriel Yared, laquelle comporte une touche de folklore. "Retour à Cold Mountain" n’est donc pas le meilleur film du genre, mais il y a aussi tellement pire…