Trop méconnu, ce film reste à mes yeux un des plus puissants joyaux du cinéma de l'horreur, une pièce clé dans la filmographie de Carpenter à même de rivaliser avec l'indétrônable The Thing, qui contrairement à ce dernier m'a terrorisé de manière insoutenable. En fait, Prince des ténèbres est le second volet de la trilogie de l'apocalypse de Carpenter initié avec The Thing justement, et clôturé par In the Mouth of Darkness. Les mécanisme du premier épisode sont donc repris, surtout au niveau formel : travail très recherché sur le découpage de l'action, montée dramatique des enjeux après lancement d'un mystère très intriguant, juxtaposition de plusieurs situations simultanée incluant la présence de menaces de nature différente mais reliées à une seule source maléfique. On est cependant loin de l'auto citation, les thèmes abordés respirent la nouveauté, l'histoire n'a rien à voir, le cadre change radicalement, bref Carpenter ne recycle pas, il améliore les rouages élémentaires de son précédent sommet d'épouvante. Pour un résultat d'une efficacité légendaire. Prince of Darkness commence doucement, préparant longuement une ascension à la peur la plus imparable qui soit. Les ombres s'affinent peu à peu pour devenir des dangers explicites, la menace sourde pèse lourdement sur une ambiance malsaine et terrifiante ébauchée à l'aide de l'effrayante musique composée par Big John en personne. Cette tension s'élabore avec un perfectionnement croissant qui rend la tâche impossible de s'extirper de l'étreinte de ce huis clos ciselé avec une sournoiserie délectable. On finit forcément, tôt ou tard, par trouver le film insoutenable. La séquence finale du miroir est un paroxysme de terreur indicible qui dure une bonne quinzaine de minutes, et qui occulte à elle seule tous ce que le cinéma fantastique peut nous offrir de plus terrifiant. Même si j'avoue avoir flanché durant la quasi totalité de la durée d'Evil Dead, cet instant de Prince of darkness balaie tout sur son passage, car il ne se contente pas de mettre en avant de la terreur brute, mais il assiège le spectateur de ténèbres gravissant lentement ses défenses à l'image du siège que subisse les protagonistes. On se retrouve le cerveau enfumé de paranoïa, d'angoisse apocalyptique et de désir de fuir, et lorsque les images deviennent gore on titube d'autant plus facilement, on se recroqueville, paralysé, n'osant plus regarder, lorsque cette main traverse lentement le miroir...et pourtant, le fameux monstre ne sera pas aperçu, la barrière de l'indicible ne peut être franchie, le cinéma ne le permet pas, ainsi le confirme les dernières secondes où un écran noir coupe la solution. Un chef d’œuvre dans tout les sens du terme.