Considéré comme le second volet de la "trilogie de l’apocalypse" de John Carpenter (entre son chef d’œuvre "The Thing" et sa surprenante "Antre de la folie"), "Prince des Ténèbres" a été, pour moins une véritable déception. Il faut dire que j’en attendais beaucoup, ne serait-ce qu’en raison de son aura auprès des fans, de son statut de "film le plus rude" de son réalisateur et, plus généralement, de son pitch plutôt prometteur. Malheureusement, si on met de côté l’excellente BO (signée Carpenter lui-même) il n’y a pas grand chose qui fonctionne dans "Le Prince des Ténèbres". Le casting, tout d’abord, est d’une très surprenante pauvreté puisqu’on a droit à une pléiade d’acteurs inconnus (et qui le sont restés) qui peinent à faire exister des personnages, il est vrai, très peu écrits et qui ne parviennent pas à susciter la moindre empathie (ce qui n’était pas le cas dans "The Thing" où le casting recelait pas mal d’inconnus également). Entre l’invraisemblable héros moustachu au charisme d’huître (Jameson Parker), le prof inconscient à la gueule improbable et aux théories farfelues (Victor Wong), la nana qui ne sert à rien d’autre qu’à créer une love story factice (Lisa Blount, tellement 80’s) ou encore l’inévitable comique de service (Dennis Dun), on a bien du mal à croire qu’on se trouve devant un film de Carpenter, dont une des plus grandes qualités est, pourtant, de découvrir des futurs stars (Kurt Russel et Jamie Lee Curtis en tête) ou, à tout le moins de soigner ses castings et ses personnages. Même Donald Pleasance, pourtant seule tête connue de l’assistance (avec le chanteur Alice Cooper dans un rôle hallucinant et, malheureusement, sacrifié), semble perdu dans ce rôle de prêtre apeuré. Autre défaut majeur : l’intrigue qui parait particulièrement prometteuse dans un premier temps mais qui s’avère rapidement être d’un classicisme coupable. Les révélations successives peinent à effrayer vraiment tant elles frisent, par moment, le ridicule (voire la traduction du livre notamment !) et la multiplication des possédés n’est pas un modèle d’originalité. Même la présence du fameux cylindre renfermant le liquide vert, qui a une certaine gueule lors de sa première apparition, lasse très vite et, surtout, se voit noyé dans le bordel ambiant. Et c’est peu dire que le storytelling n’est pas la qualité première de ce "Prince des ténèbres", qui prend jamais le soin d’expliquer clairement les tenants et les aboutissants de l’intrigue (quid du rôle du professeur et de son aura auprès des autorités religieuses ? quid des clochards possédés ? quid de ce rêve que font tous les personnages et qui est ridicule à voir aujourd’hui ?). Et ce n’est pas la conclusion du film, qui oscille entre happy-end poussif et cliffhanger artificiel, qui vient sauver l’affaire… Enfin, dernier problème et non des moindre, la mise en scène, qui n’est pas mauvaise (Carpenter oblige) mais qui est maladroite et surtout, très marqué "téléfilm La Cinq" des années 80 ! On ne retrouve ni l’élégance ne la pression de bon nombre des autres films du réalisateur… même si on sent bien sa patte au détours d’une scène ou dans son utilisation à outrance de la musique. Le résultat est paradoxal puisque la mise en scène permet au film de conserver un léger intérêt (son sujet et quelques séquences évocatrices, comme les déambulations de la possédée défigurée, aident également)… tout en donnant l’impression qu’il s’agit d’une très longue introduction qui s’achève à 5 minutes de la fin du film, qui plus est en queue de poisson (seule l’apparition de la main diabolique qui veut s’extirper du miroir m’a un peu enthousiasmé) ! Maintenant, je reconnais que j’aurais été moins dur avec "Prince des Ténèbres" s’il n’avait pas été réalisé par John Carpenter et s’il n’avait pas fait partie de la trilogie de l’Apocalypse. Car, objectivement, il se regarde tout de même gentiment… mais s’oublie tout de même très vite.