Je ne suis pas d'accord. C'est un film des Inconnus, autrement dit une triade de comédiens que l'on a l'habitude de voir dans des rôles comiques, qui nous font rire.
Eh bien j'ai été très surpris. Comment dire autrement, ces trois hommes-là ont compris l'essence même du christianisme. J'en reste encore songeur. J'ai compris la religion chrétienne bien plus clairement, bien plus brillamment qu'en trois années de cours de théologie à l'université. On ne fait pas bonne presse aux théologiens dans le film, et c'est à raison. Mais si leur attitude est bien souvent à l'image (et à la ressemblance) du type de savants incrédules (!) que les Inconnus nous montrent : dogmatiques avant tout, soucieux de plausibilité historique et de non-contradiction des Pères de l'Eglise et du Saint-Siège omniscients, il faut leur pardonner : ils n'ont rien de tels que des rois mages, ils travaillent le plus souvent sur des époques mortes, sur des documents qui n'attestent plus de rien de vivant, de présent.
Voilà donc plusieurs manières d'être chrétien, plusieurs voies pour la foi. Celle de la foule et du producteur, qui est un éclat de génie des Inconnus et une remarque fort judicieuse qui concorde avec celle de Carl Jung :
"C'est parfaitement sûr : si quelqu'un comme le Christ réapparaissait sur Terre, il serait interviewé et photographié par la presse, et ne resterait pas en vie plus d'un mois. Il en viendrait fatalement, à la fin, à se dégoûter de lui-même e se voyant banaliser jusqu'à l'insupportable. Il serait tué par son propre succès, moralement et physiquement."
(petit paragraphe sur "Si le Christ revenait aujourd'hui sur la terre" [i]La vie symbolique[/i], par. 315).
C'est même (remarque de théologien) la même attitude qu'avait Jésus. La foule voulait le faire roi, attendant un messie royal, puisque descendant du roi David, il fallait qu'il restaure la royauté d'Israël tout en convertissant les Nations (les païens, les non-juifs). Le Christ, Jung et les Inconnus soulignent ensemble quelque chose de crucial : la foi est avant tout un acte de d'adhésion, Macha doute puis croit, tout simplement. Il ne s'agit pas de comprendre, de savoir, de faire connaître, de toucher le vêtement des mages, il suffit pour elle de croire et elle trouve alors sa voie, qui la conduit vers la rôle de Marie. Un autre degré de foi est celui de Jo(seph?) qui ne comprends pas, mais qui veut bien, qui accueille parce qu'il est amoureux. La sorte de guérison miraculeuse, c’est « n’importe quoi » mais si cela peut sauver son amie, il veut bien y croire. De même, en quelque sorte pour la concierge et le prêtre, qui saluent leur recherche même s’ils ne la comprennent qu’au sens spirituel d’aujourd’hui, où la foi est à chercher en soi.
Notons que le film en lui-même fonctionne comme la Bible : on accumule certains éléments qui nous sortent de la tête, mais tout trouve son sens dans la dernière scène. Je défie quelqu’un de déclarer qu’il avait prévu le coup de la lingette parfumée. Pourtant les scénaristes ont bien insisté sur les dons de la lingette, qui marque la rencontre avec Macha, sur le cadeau du parfum dans son écrin, et encore plus sur la valeur des bagues. La naissance du Christ « récapitule » tout ce que l’on connaît déjà, comme on dit chez les théologiens. Elle donne sens à ce que l’on ne comprenait pas.
En bref je suis déçu. Non certes de ce film admirable que l’on devrait montrer aux écoliers et étudiants en théologie et en attendre l’effet le plus bénéfique qui soit, la compréhension juste de la foi (chrétienne, mais… seulement ?), mais bien plutôt des réactions que je lis. Que diable, ces trois hommes ne doivent-ils donc être que drôle ? Moi je n’ai pas toujours ri, quelquefois et de bon cœur. Mais à d’autres moments, j’en ai été empêchée, ou je n’en ai pas eu besoin. Certes c’est amusant, et en cela je rejoins certains commentaires qui se plaignent des redites. Les mages s’adaptent un peu vite et tolèrent bien des choses, sont bien naïfs pour des philosophes. Pour moi, j’ai plutôt été occupé à comprendre Macha devenant Marie, à comprendre ce que veut dire ce film à son public. Il semble qu’il n’a pas profité à la plupart comme il m’a profité, à moi. Quel dommage ! Regardez-le donc encore une fois, de quelque confession que vous soyez (je suis moi-même strictement athée et élevé dans une famille proche de l’islam !), chacun y trouvera un enseignement sans aucune prétention mal placée, mais brillante de justesse. Les chrétiens, les premiers, devraient en tirer une leçon salutaire.