Le lieutenant Bonham, interprété par Tommy Lee Jones, ex-formateur de machines à tuer pour l'armée, est appelé à la rescousse pour traquer un de ses anciens élèves, devenu chasseur d'hommes dans les forêts américaines. Le jeune prédateur, interprété par Benicio del Toro, est insaisissable et à cause de lui, beaucoup de sang va couler. Dans The Hunted, William Friedkin transpose et détourne l'épisode de la tentation d'Abraham et du sacrifice de son fils Isaac. A partir de ce mythe, il s'emploie à développer le thème de la chasse comme processus primitif et nécessaire d'apprentissage et - associé à l'homme - de socialisation. Un thème qu'il expose pendant 90 minutes comme un leitmotiv présent dans chaque séquence, chaque plan. Le réalisateur donne à voir l'Animal originel en nous et fait jaillir l'Homme dans son essence et sa faiblesse, comme un rappel de la fragile proximité qui existe entre ces deux créatures. Punition et expiation se confondent. L’homme engendre ses propres monstres et là encore le réalisateur retrouve ses thèmes de prédilection : l'Homme, damné, enfermé dans son ambivalence, sa dualité, cherchant une place entre Dieu et la Raison dans un monde qui lui est naturellement et socialement hostile. C'est un film magnifique, superbement construit et merveilleusement interprété par Tommy Lee Jones - étonnant en patriarche maladroit, retiré du monde et trainant une lourde culpabilité - et Benicio del Toro - solitaire, inquiétant, génialement fou en héritier du mal - dans le rôle du "fils prodigue". Ce film a l'odeur d'une série B, un peu comme BUG, mais c'est une passionnante réflexion sur l'homme, son rapport à l'autre et de ce fait, à lui-même. Nosce te ipsum, connais-toi, toi-même...disait le philosophe.