Un film très réussi que La Nuit fantastique, un de ces films très charmants qui ne vieillissent pas, porté par leur fantaisie, leurs acteurs et leur générosité sans borne.
La Nuit fantastique est d’abord de magnifiques numéros d’acteurs. Je ne connais pas très bien Fernand Gravey, mais ici il livre une prestation mémorable, celle d’un personnage fantaisiste, rêveur, et d’un romantisme sans borne ! Il fait face à une Micheline Presle absolument étincelante, et d’un jeu irrésistible. Pour tout dire la scène du repas avec une autre aurait facilement pu me gaver, mais là le cabotinage de Presle est d’une exceptionnelle finesse. C’est du surjeu qui passe bien, et ça c’est réellement rare. Il faut aussi souligner la qualité des dialogues et des situations, ce qui aide aussi les acteurs à livrer leur meilleur. La preuve en est, la communion entre Gravey et Presle est d’une rare justesse, et leur duo romantique fonctionne de bout en bout. Autour de ces deux interprètes, il y a du lourd là aussi. Saturnin Fabre, Jean Parédès, Bernard Blier, pour ne citer que ceux-ci, des pointures soient déjà affirmées dans le cinéma français de la première moitié du XXe siècle, soit des vedettes en devenir.
Très bon casting pour une superbe histoire. J’ai pris ce métrage comme une sorte de variation romantique des aventures du baron de Munchausen, et le résultat fonctionne de bout en bout. Rapide, imaginatif, proposant des situations loufoques mais d’une écriture imparable, La Nuit fantastique est drôle, romantique, fantaisiste, c’est un petit bijou d’onirisme qui fait beaucoup avec peu. Je note aussi la narration, d’une maitrise absolue. On se croirait réellement dans un rêve, c’est-à-dire avec des situations qui semblent ne rien avoir à voir ensemble, mais qui s’enchaine avec un naturel déconcertant. C’est vraiment rare de voir une telle perfection dans le récit, alors qu’on aurait réellement pu avoir ce sentiment de séquences déguingandées mises les unes après les autres. Bien sûr la fin ne surprendra pas beaucoup, mais bon, parfois ce n’est pas le suspens que l’on attend !
La Nuit fantastique c’est encore une œuvre plastiquement superbe. Il y a de vrais tableaux (la scène sur les toits par exemple, la séquence en ombre chinoise), et la mise en scène est d’une redoutable efficacité. Imaginative à souhait, elle parvient à installer une atmosphère étrange, et brille dans des passages virtuoses (en plus de ceux cités juste au-dessus, j’ajouterai le repas, un bijou d’exécution). De très beaux décors, variés et évocateurs (originaux aussi), une bande son peu critiquables, et une photographie qui fait la part belle à l’ambiance, avec des contrastes lumineux soignés. Le film est doté d’une esthétique très personnel, et j’aime beaucoup cela, surtout à une époque où l’application formelle n’était pas si courante que cela. L’influence du théâtre étant souvent bien présente, et l’artificialité aussi. Alors il y a aussi des effets spéciaux dans La Nuit fantastique. Discret, ils ne font pas illusions, mais en vérité ils sont tellement mieux ainsi. Contours imprécis, mouvements saccadés, ce fantôme n’est-il pas autrement plus crédible ?
Vous l’aurez compris, La Nuit fantastique est un coup de cœur certain. Un film qui, réalisé dans une période difficile pour le cinéma français, est étincelant de bout en bout. Très beau visuellement, emporté par des acteurs parfaits, doté d’une histoire un peu naïve mais tellement fantaisiste et romantique, c’est une petite pépite très savoureuse. 5