Capable du meilleur comme du pire, Eastwood signe ici un polar sombre et psychologiquement fouilli. Esthétiquement abouti et scénaristiquement éprouvant, "Mystic River" tranche brutalement avec les précédentes œuvres du réalisateurs, quelconques et mitigées (Créance de Sang, Space Cowboys). Clint semble ici avoir gagné en maturité et en vivacité, parvenant parfaitement à capter les émotions des différents personnages, retranscrivant parfaitement la tension et l'émotion qui planent autour de cette sordide histoire de meurtre. Traitant d'une histoire grave, presque écœurante, Eastwood met ici le doigts sur les dérives liées à la perte d'un être cher, d'un proche (ici de la fille de Jimmy Markum et sa femme); l'intrigue, très bien bien fagotée, met aussi en valeur les répercutions plus ou moins explicites d'un drame d'enfance (l’enlèvement et le viol d'un enfant d'une bande de potes). Les trois personnages centraux sont plus ou moins reliés entre eux par des secrets difficile à effacer de leur espoirs, des souvenirs ayant profaner leur "tendre" jeunesse, dans les rues de Boston. Le destin va les mener à reprendre contact , ravivant d'anciennes tensions, réveillant des douleurs déjà fortes et qui n'ont jamais vraiment réussi à cicatriser (le traumatisme caché de Dave Boyle surtout). Possédant leur propre personnalité et histoire, embarqués malgré eux dans une enquête brutale, formelle mais aussi informelle, cette puissante histoire de vengeance d'un père impulsif et coléreux s'avère très rapidement passionnante. Le film est classique et son traitement est impartial, pourtant il dégage une telle tension et une telle émotion qu'il finit progressivement par nous immerger dans la peaux de ces âmes désespérées et errantes. Au fur et à mesure que progresse l'investigation, les attitudes des protagoniste tend à se braquer vers leurs peurs, chagrins et haines les plus primitives, jusqu'au final, froid et inéluctable. La dernière scène,celle du défilé, restera cependant un mystère pour moi, et même après avoir vu le film deux fois je ne peux qu'éprouver une petite frustration face à mon incompréhension. Néanmoins la force solennelle et l'émotion crue qui qualifient ce film suffisent à en faire un excellent Thriller, dramatique à souhait. Desservi pas un casting époustouflant dans lequel Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Bacon nous livrent un sans faute, jouant leurs personnages avec le plus de naturel et de détermination possible. Même l'imposant Laurence Fishburne et la pas très ravissante Marcia Gay Harden nous épatent. Techniquement, Eastwood frappe fort: Tom Stern, son directeur de photographie fétiche, retranscrit avec sobriété et finesse l'ambiance glauque et tendue de cette quête de rédemption et d'oubli; la musique, signée par Clint, accompagne sensiblement la mise en scène académique mais efficace du film, à travers de discrètes mais émouvantes nappes musicales de piano. "Mystic River" est décidément un bon, très bon Eastwood, honnête, éprouvant, captivant et accompli. Clint is Good! 17/20