Les créateurs de Rambo ont dû se dire après avoir conclu le premier volet et commencé à travailler sur cette suite « Tiens, en y repensant un peu, on a maintenat comme l’impression d’avoir oublié quelque chose dans ce film, mais quoi donc ? » Puis après un long moment de réflexion dubitative, en un sursaut de détresse ils ont trouvé : « Ah mais mince, on avait tout mis en place mais c’est vrai qu’on avait complètement oublié d’écrire un scénario, oups ! ». Bon les oublis ça peut arriver, au moins là ils ont quand même travaillé dessus pour nous pondre un scénario potable. Alors tout d’abord, il faut clarifier une chose primordiale. Ce film pour pouvoir l’apprécier il faudrait savoir compatir et le prendre au second degré, de son début jusqu’à sa fin, c’est là où il en devient intéressant, voire même comique sur certaines situations. Avec ça c’est un spectacle exquis, sans ça c’est un navet. J’ai fait le choix de le noter selon le premier point de vue (ma note serait 2/5 sinon). Rappelons d’ailleurs qui est Rambo afin de comprendre pourquoi cette sympathie est justifiable. On est en 1985, soit 10 ans après la fin de la guerre du Viet Nâm, et pourtant les Etats-unis n’ont toujours pas digéré de leur défaite. Conspuée, huée, cette guerre a provoqué l’indignation de toute la population américaine, a attisé la colère des médias qui s’en prennent par conséquent sauvagement aux soldats, alors que c’est le commandement qui est en cause, eux n’ont fait qu’accomplir que leur devoir patriotique. Humiliée face au monde entier, l’Amérique avait besoin de se consoler, de remonter le moral d’un peuple qui est en besoin urgent de se croire toujours aussi fort qu’il l’a toujours prétendu et doit pouvoir tourner la page malgré l’échec de son armée, sa fierté nationale. La déception est telle que celle-ci a perdu tout son crédit, tout ses arguments persuasifs ont été réduits à néant, elle doit aussitôt redorer son image et reprendre sa place en tant que rempart solide pour la défense du pays. Rambo est le symbole de cet espoir nouveau, de ce sursaut d’orgueil qui va permettre à l’Amérique toute entière d’envisager qu’elle puisse se relever encore plus forte qu’avant, de continuer à croire en sa puissance. Il matérialise la frustration américaine d’une part, et représente d’autre part tous ces soldats qui ont subi injustement les foudres de l’opinion publique. Il va donc montrer à tout le monde tout ce dont il est capable, démontrer l’amour de son pays à travers les risques qu’il est enclin à prendre pour le défendre, et enfin remettre les choses à plat afin de désigner les coupables de l’échec injuste des troupes. Rambo est l’expression profonde de la frustration d’une Amérique, qui, à défaut d’avoir gagné la guerre, peut se consoler en l’imaginant autrement, en contemplant avec soulagement ce membre de l’élite en train de lyncher, ne leur donnant aucune chance de succès, ces deux ennemis qui sont en train de la traumatiser, de la vexer au point de titiller sa dignité : les vietnamiens et les russes. Il était impératif de réussir à les voir perdre par n’importe quel moyen, même illusoire, Rambo arrive pour exaucer tout cela, et faire en sorte que ces deux menaces disparaissent en tant que tel dans l’imaginaire collectif. Il est donc inconcevable que même dans une fiction, un personnage qui représente tant de choses en même temps puisse là aussi connaître le moindre petit échec, la moindre défaillance, quitte à devoir en rajouter à outremesure. Il peut être capturé mais il va toujours pouvoir s’en sortir, il peut être berné par des traîtres mais il saura reprendre le dessus, il peut connaître des moments d’inattention mais il va toujours réussir à gagner, car Rambo c’est ça, c’est ce à quoi tout le monde aspire à s’identifer enfin, c’est un gagnant ! C’est un homme fort, musclé à outrance, malin, têtu selon des vertus honorables, intransigeant, valeureux et noble. Il est tout cela à la fois, il en devient extrêmement précieux. Il est donc tout aussi normal que tous les tirs qu’il reçoit, aussi intensifs et ravageurs soit-ils, finissent par atterrir tout autour de lui mais jamais sur lui, que tous les coups qu’il a le malheur de se prendre s’auto-guérissent rapidement et enfin que l’ennemi soit aussi faible, naïf et stupide : C’est l’occasion pour un patient en pleine crise identitaire, en pleine thérapie de reprise de confiance de se défouler avec une réalité alternative rassurante pour lui, alors compatissons un peu et laissons-le en profiter ! Pour toutes ces raisons, « Rambo II : la mission » est selon moi une oeuvre majeure du Cinéma, car elle est le reflet d’un traumatisme important dans l’Histoire des Etats-Unis d’Amérique, un témoignage poignant de son mal-être à cette phase difficile tant le besoin de faire une démonstration de force pourtant inexistante se fait ressentir. Ça aurait été tellement dommage qu’un film comme celui-là n’existe pas à cette époque ! Tout ce spectacle n’est ni subtil ni très futé, loin de là, mais il a le mérite d’être bien réalisé et riche en action. C’était déjà le cas dans le premier « Rambo », mais à cause de ses lacunes scénaristiques indignes, et son aspect psychologique médiocrement traité, je ne peux attribuer l’aura emblématique du personnage qu’au travers de cette suite, qui selon moi a pris une belle revanche et m’a évité de me morfondre dans une opinion négative imméritée sur la saga entière.