Au début des années 80, Sylvester Stallone pouvait s'enorgueillir d'avoir deux rôles forts. Malgré son physique de déménageur, l'acteur-scénariste était indissociable de deux personnages qui représentent deux facettes de l'Amérique. Face A, Rocky, représentant de la classe ouvrière et boxeur de génie qui lutte pour être reconnu. Face B, Rambo, symbole d'une Amérique trompée, béret-vert traumatisé par la guerre. L'un représente l'espoir, l'autre le désenchantement.
Au début des années 80, ces deux rôles sont iconiques, dans le sens le plus noble du terme. Stallone y gagne ses galons d'acteur, et rappelle que les gros bras peuvent aussi avoir un grand cœur.
Milieu des années 80, Rocky et Rambo connaissent leur plus grand succès au Box Office (avec Rocky 4 et Rambo 2). Bizarrement, c'est à ce moment que leur aura en prend un sacré coup.
La cause? Une dimension politique qui a dénaturé sévèrement leur combat. Il faut se rappeler qu'à cette époque, Ronald Reagan est à la présidence et son slogan ("Make America great again") ne laisse pas de place au doute. Oublions les erreurs et redevenons des gagnants, en gros. La Guerre Froide repartait de plus belle, et le grand méchant Russe devait être vaincu. Le combat a même impliqué des protagonistes culturels. En première ligne, Rambo et Rocky.
Intéressons-nous à Rambo 2 puisqu'il est le premier à avoir atteint les écrans (avant le quatrième Rocky). Et aussi parce qu'il reste un fascinant objet, en dépit de ses nombreux défauts. D'une part, car il esquisse des pistes pourtant peu évoquées (les américains restés prisonniers après la fin de la guerre du Vietnam). Et de l'autre, ce volet 2 contient une critique en filigrane de l'administration américaine qui les a abandonnés. Je saurai gré à George P. Cosmatos d'avoir soigné sa réalisation, offrant à la saga quelques-uns de ses plans les plus mémorables.
En contrepartie, on a perdu Rambo. Oui, le constat est dur. Mais cela dit, l'utiliser comme un fer de lance d'une idéologie primaire a des conséquences fâcheuses. En premier lieu, l'idéalisation de son corps déforme la symbolique du premier, qui voyait le soldat retourner à un état quasi-sauvage. Puis évidemment, sa deuxième partie - très drôle - qui offre à Rambo de refaire sa guerre du Vietnam à lui tout seul face aux grands méchants. C'est outrancier et idiot au possible, servi par un Stallone complètement à côté de la plaque. Au second degré c'est divertissant, indéniablement. Par contre, si on a un peu de respect pour First Blood et le personnage de John Rambo, il faut avouer qu'on passe tout près de la catastrophe industrielle. On va dire que Rambo 2 est un film de son époque. Pas bien, parce qu'il en conservait les tares, pas complètement nul car il en conservait l'esprit débridé.
Une déroute que le principal intéressé reconnait, tout en assumant les dégâts occasionnés au mythe. Mais le pire restait à venir...