Au risque de faire un peu "ancien combattant", voir "vieux con", il faut bien reconnaître que le début des années 90 (ainsi que la fin des années 80) nous a réservé des petites merveilles improbables comme on n'en fait plus aujourd'hui ! L'époque fut riche en chefs d'oeuvre dans le genre action-humour pour mec (voir "L'arme fatale" et "Die Hard" pour ne citer qu'eux) et certains films, hors saga mais "inspirés" par ces merveilles, ont pu bénéficier de leur cachet... et peuvent être considérés, aujourd'hui, comme des curiosités terriblement funs. Et, dans cette catégorie, "Le dernier Samaritain" fait un peu office de mètre-étalon. Il faut dire que le film, sorti en 1992, est assez symptomatique des qualités et des défauts des productions de l'époque, dont il représente une sorte de "chant du cygne". Difficile, en effet de retrouver, depuis, un film d'action aussi décomplexé dans ses dialogues (à la limite de la beauferie), aussi sophistiqué dans sa mise en scène et aussi monstrueusement cool dans la représentation de ses personnages (seul le "Bad Boys" de Michael Bay peut rivaliser à mon sens). Sur le papier, "Le Dernier Samaritain" a déjà une sacrée gueule puisqu'il est produit par Joel Silver, réalisé par Tony Scott et écrit par Shane Black. Une telle équipe laissait présager un spectacle de qualité pour les fans du genre... et la présence du monstrueux Bruce Willis en tête d'affiche finit de confirmer l'intérêt du film. L'acteur n'a pas besoin d'aller chercher son inspiration bien loin puisque son Joe Hallenbeck est une prolongation, en plus épave, du John McLane de "Die Hard" dont il reprend la cool attitude, le cynisme, les punchlines, et une vision plutôt désabusée de la vie. Il est, dès lors, sans surprise, l'attraction principale du film qui, il faut bien le dire, ne vaut quasiment que par lui. Ce n'est pas que les "à-côtés" (mise en scène énérgique, photo soignée, BO sympa...) ne soient pas bons mais ils permettent surtout de magnifier le numéro de la star. Face à lui, Damon Wayans parvient à se faire entendre en mettant en veilleuse son l'insupportable jeu braillard dont il fera son fonds de commerce par la suite et, surtout, en assumant son statut de sidekick. En ne tentant pas de marcher sur les plates-bandes de Bruce Willis, il propose quelque chose de différent (
à commencer par une vie un peu pathétique caché derrière le vernis de son statut de star du football
) et offre une alchimie assez inattendue à ce duo atypique. Le reste du casting réserve, également, de très bonne surprises, à commencer par la gamine du héros et son langage fleurie (Danielle Harris), l'homme de main au raffinement invraisemblable (Taylor Negron) ou, dans une moindre mesure (et pour le plaisir des yeux) la strip-teaseuse campée par une Halle Berry débutante. Mais, là où le film devaient orgasmique, c'est dans ses séquences d'action décomplexées (il y aura de la tôle froissée) et dans ses affrontements sévèrement burnés (
ah, cette scène où Hallenbeck demande du feu, attaché à sa chaise !
) ainsi que dans ses dialogues magnifiquement bourrins (
"Tu as dû glisser sur le parquet, et puis comme par hasard t'es tombé la queue en avant sur ma petite femme", "Alors toi t'es cool pour un gars qui va s'avaler un pruneau ! - J'ai baisé ta femme... Va jusqu’à deux", "Tu vas où là ? - Je vais aux toilettes, mais tu peux venir me la tenir si tu veux, j'ai pas le droit de porter des objets lourds"...)
. Alors, bien évidemment, on se trouve evant un divertissement archétypal des années 90, ce qui rend inévitables les écueils de l'époque, tels que le scénario caricatural truffés de flics bornés qui ne veulent rien entendre de la part du héros, de patron riche et pourri jusqu'à la moelle et d'homme de main débiles qui ne comprennent pas qu'il ne faut pas chercher Bruce Willis... Et puis, il ne faut pas chercher beaucoup de subtilité la-dedans, ni même un message politique (encore que la dénonciation des dérives du business du football américain apparaît, aujourd'hui, presque avant-gardiste). Mais, pour peu qu'on soit un garçon né dans les années 80 et qu'on ne déteste pas le genre, "Le dernier samaritain" est une des meilleures surprises de cette époque bénie et un des films les plus injustement oublié depuis. A redécouvrir donc...