Le Dernier Samaritain, ou ce qui aurait dû être une rencontre au sommet dans l’histoire du cinéma d’action. Entre Tony Scott, réalisateur de films classiques mais énergiques (Top Gun, Le Flic de Beverly Hills II, Jours de Tonnerre…) et qui était connu (paix à son âme…) pour son panache spécifique (Ennemi d’État, Man of Fire, Domino, L’Attaque du Métro 123, Unstoppable…). Et le scénariste Shane Black, futur réalisateur de Kiss Kiss Bang Bang et Iron Man 3, connu du milieu pour avoir été le scénariste de L’Arme Fatale (et ayant quelque peu planché sur le script de sa suite, sans compter le futur Last Action Hero). Bref, la rencontre entre un cinéaste tonique et un scénariste ayant donné au buddy movie toutes ses lettres de noblesses aurait dû provoquer bien des étincelles pour ce divertissement avec Bruce Willis (qui bénéficie de nos jours, qui plus est, d’un statut de film culte). Un emploi du conditionnel qui ne vous aura donc pas échappé, et qui montre à quel point ce film m’a déçu…
Ancien agent des services secrets devenu détective privé alcoolique, Joe Hallenbeck (Bruce Willis) doit assurer la protection d’une strip-teaseuse, sans succès. Pour découvrir les raisons du meurtre qu’il n’a pu empêcher, il va devoir s’associer avec le petit ami de celle-ci, Jimmy Dix (Damon Wayans), ancien joueur de football accro à la cocaïne. Ensemble, ils vont mettre à jour une conspiration dans ce milieu sportif, impliquant les deux hommes les plus puissants de la Californie.
Avant de continuer, il serait plus sage de rappeler ce qu’est un buddy movie. Il s’agit d’un film (d’action ou de comédie) mettant en avant un tandem principal. Deux héros que tout oppose (milieu social, mentalité, méthodes…) et qui doivent, malgré tout, s’associer pour mener leur mission/enquête à bien. Alors, quand on sait que le scénariste de L’Arme Fatale, la quintessence même du buddy movie (qui compte dans ses rangs 48 Heures, Tango & Cash et consorts), s’occupait du Dernier Samaritain, nous ne pouvions que nous attendre à un somptueux mariage entre comédie hilarante, répliques bien menées, action rythmée et quelques envolées philosophiques. Le résultat final n’en est que plus décevant…
D’autant plus que le duo formé par Bruce Willis (désormais lancé par les deux premiers opus de Die Hard que sont Piège de Cristal et 58 minutes pour vivre) et Damon Wayans (le Michael Kyle de la série Ma famille d’abord) nous propose deux comédiens qui s’entendent comme cul et chemise. Malheureusement, nous sommes bien loin de Martin Riggs (Mel Gibson) / Roger Murtaugh (Danny Glover). Et pour cause, nos deux héros du moment n’ont pas vraiment grand-chose à se balancer. Hormis de la nostalgie ou bien de la philosophie du même acabit que L’Arme Fatale, il manque cruellement d’humour et de peps au Dernier Samaritain : les dialogues ne font que s’allonger et s’allonger, sans jamais intéresser ni provoquer ce petit rire propre aux buddy movies classiques. Le film de Tony Scott peut faire sourire, ne le cachons pas. Mais seulement grâce au comportement pré-Une journée en Enfer de Bruce Willis (alcoolo je m’en foutiste), allant jusqu’à se permettre une petite danse quand il met au tapis le tueur du film. Et puis, Patrick Poivey, doubleur français de la star, y est également pour quelque chose, ce dernier s’éclatant toujours autant à prêter sa voix à l’interprète de John McClane. Mais jamais, au combien jamais, les dialogues font leur boulot : amuser et faire oublier le manque d’originalité du scénario ainsi que quelques facilités (l’ajout à la trame de la gamine du personnage de Bruce Willis pour lui donner un enjeu). Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec un film mollasson qui tourne bien trop souvent autour du pot, ne provoquant qu’ennui.
Du coup, nous ne pouvions compter que sur les séquences d’action. Mais même là, Le Dernier Samaritain se révèle être une bien belle déception. D’une part à cause du scénario, qui ne propose pas vraiment de moments d’anthologie et qui se limite à une banale course-poursuite pas si pétaradante que sur les bandes-annonces et autres extraits. De l’autre, la mise en scène de Tony Scott. Lui, ce réalisateur connu pour son panache et sa manière clipesque pour tourner et monter un film, semble s’être littéralement endormi sur ce projet. Le Dernier Samaritain n’est qu’un film de blabla, filmé sans génie et surtout sans punch. La caméra étant tout simplement posée pour scruter les protagonistes dans leurs monologues. Problème : c’est un film d’action que nous voulons voir, pas un semblant de film d’auteur ! Du coup, nous nous retrouvons avec un divertissement qui ne décolle jamais. Un comble !
Il ne reste donc que le charisme de Bruce Willis, sa complicité avec Damon Wayans, et certains petits détails qui pourront faire sourire. Mais Le Dernier Samaritain est très loin d’être le divertissement mémorable qu’il prétend être (ou que plusieurs spectateurs affirment). Long, ennuyeux, mou du genou et discret, le long-métrage de Tony Scott ne peut faire le poids faces aux autres de l’époque buddy movies. Heureusement qu’un tel titre n’était pas évocateur en ce qui concerne les carrières des nombreuses personnes ayant travaillé sur ce film (Bruce Willis, Damon Wayans, Tony Scott, Shane Black, Halle Berry, le producteur Joel Silver…) !