C'est comme ça que voulez-vous, l'Incompris m'a touché, il y a pourtant beaucoup de facilités scénaristiques, et si j'avais su avant de regarder le film que Comencini dit de lui que c'est une "machine à pleurer", probablement que cela me serait resté en tête, et qu'il m'aurait profondément énervé.
Je n'en savais pas grand chose, j'allais de découvertes en découvertes, tout d'abord en visitant une magnifique maison bourgeoise, puis en apercevant de temps à autre la magnifique Florence. L'incompris respire l'Italie et la bourgeoisie tranquille, de campagne, qui m'a toujours fascinée.
Le film est une succession de scènes avec des tons particuliers, des saveurs différentes, beaucoup sont dramatiques mais certaines plus bon enfant, voir franchement comiques, ce qui permet une certaine tenue du rythme, et m'a personnellement empêché d'éprouver quelconque exaspération à cause de l'exploitation de certains fils scénaristiques qui nous annoncent qu'on peut sortir les violons.
Car ça commence pas bien, deux gamins perdent leur mère, la gouvernante tyrannique, et le père qui affirme clairement sa préférence pour le benjamin, ne laissant à l'aîné que de l'indifférence et des punitions, etc.. Cependant on remarque rapidement la finesse du récit ; notre regard sur les deux gamins, sur le père ou l'oncle évoluent, nos opinions sont avec minutie déconstruites dès que Comencini s'en donne l'occasion, nous montrant - c'est bien là la force du cinéma, rendre l'invisible visible - tout ce que la pudeur cache, dans les moments les plus douloureux notamment, là où l'on cerne le mieux les personnalités de chacun.
Les deux gamins sont extraordinaires, le plus âgé laisse voir dans son jeu la finesse d'esprit de son personnage, ses difficultés à exprimer ses émotions, son impulsivité, tandis que le plus petit est un bijou de monstre sympathique, à la fois tendre et naif et parfois énervant voir redoutable, je suis persuadé que certains psychanalystes s'en donneraient à cœur joie pour déceler chez lui un futur pervers narcissique. Le père (Anthony Quayle) est lui très à l'aise dans son rôle de père distant, incapable d'exprimer ses sentiments malgré sa grande sensibilité, à la fois père idéal dont rêvent tous les gosses et père qui a pourtant bien du mal à rendre ses enfants heureux et de tisser des liens émotionnels avec eux.
Une fable sur l'enfance, sur les difficultés de la relation père/fils, du rôle de l'aîné entre frères livrés à eux mêmes, de l'absence si pesante d'une mère, et des ravages de la pudeur bourgeoise et paternelle sur la famille. Et si les passages tire-larmes semblent évidents et trop faciles, on y trouve la plus certaine authenticité, une sorte de ressenti pur de l'enfance et de ses chagrins, passages qui sont d'une vraie efficacités. Oui, l'incompris est une "machine à pleurer".