Un giallo à la française, voilà une curiosité réalisée par le metteur en scène caméléon, Yves Boisset. On est à ses débuts, et il nous livre un film globalement divertissant même si un peu laborieux dans sa première partie. Après une scène d’ouverture dans la plus pure tradition du giallo, on passe à tout autre chose avec un docteur radié qui doit se charger d’un môme à problèmes issu d’une grande fortune. Cette partie est quand même assez longue, et en vrai, elle est un peu incohérente. On comprend assez mal pourquoi il a été choisi, surtout avec son passé douteux, parce que son lien avec le père est mal établi, et d’autant qu’il n’a pas l’air franchement bien reçu ! Sinon je veux bien qu’il faille établir un lien entre les deux héros, mais c’est un poil long, et l’on ne revient finalement qu’assez tardivement à l’enquête. On notera d’ailleurs que l’introduction du personnage de Livia dans la vie d’Alberta résulte également d’une justification très ténue. En clair, c’est un peu monté de bric et de broc pour arriver à ce trio de héros qui du reste est très sympathique. Une fois l’enquête en place, c’est plutôt dynamique, teinté d’une certaine drôlerie aussi, et la conclusion, toute en action, est efficace. Honnêtement, le scénario casse pas trois pattes à un canard, mais le divertissement est assuré et il doit beaucoup à ses acteurs. Bruno Cremer est excellent, comme souvent, face à un Renaud Verley un peu cabotin mais dont le personnage évolue positivement et gagne en épaisseur tout au long du film pour s’affirmer finalement. Marianne Comtell apporte une touche de charme propre à tout giallo, et les seconds rôles sont plutôt très bons. En revanche, j’ai été un peu déçu par l’antagoniste, finalement pas très présent et dont on ne sait pas trop la culpabilité réelle. A part un look improbable, il n’a pas vraiment l’iconicité d’un méchant de giallo. Giallo qui d’ailleurs décevra les amateurs de violence graphique, car il n’y en a pas, malgré la présence d’armes blanches et de jolies filles. Il y a un peu de nudité, mais rien de particulièrement marquant non plus. On reste sur un registre soft, ce qui est dommage car ce côté un peu pervers fait aussi l’identité des gialli. Néanmoins il y a une bonne exploitation du cadre italien par Boisset et une mise en scène somme toute efficace, même s’il manque de la maestria des meilleurs maîtres italiens du genre dans les séquences les plus glauques. Je note aussi qu’il manque une bande son beaucoup plus marquante. Là, c’est très minimaliste.
En somme, on tient là un petit polar giallesque plutôt honnête, mais qui reste au milieu du gué. Une bonne scène d’ouverture, tendue et vicieuse donne de belles promesses, mais qui ne sont qu’à moitié tenues avec un film qui ne manque pas d’incohérences et de facilités (Marianne Comtell sort seule ?!) et qui n’ose jamais vraiment pousser le curseur assez loin dans la radicalité, tant dans la violence, dans l’érotisme que la perversité. Or, c’est généralement ce qui fait la force d’un méchant de giallo et l’atmosphère poisseuse que l’on aime y retrouver. Toutefois, le bon casting, le rythme appréciable de l’enquête, les touches d’humour, les décors variés font qu’on passe quand même un moment correct de cinéma. 2.5