Même les plus grands réalisateurs se plantent. "Femme fatale" en est la superbe illustration. C’est avec une immense déception teintée d’amertume que je constate que le cinéaste n’échappe pas lui non plus à cette règle, malgré son nom qui inspire à lui seul la confiance tant chez les producteurs que chez les spectateurs. Pourtant je l’aime bien, m’étant par le passé régalé avec des œuvres telles que "Blow out" et "Les incorruptibles" pour ne citer qu’eux. Mais là… c’est lent, c’est mou : un rythme pataud accentué par une utilisation massive d’effets de style comme les ralentis, les effets de résonance pour faire de son "Femme fatale" un film à ambiance lourde, voire étouffante. Bref ! un truc déconnecté de la réalité. Il est presque parvenu à faire quelque chose de sensationnel. Mais en le regardant, je me suis demandé si De Palma n’avait pas voulu posséder coûte que coûte son "Basic instinct". En tout cas, il a tout fait pour : un latin lover en la personne d’Antonio Banderas (toujours impeccable dans ce registre), une blonde n’ayant pas froid aux yeux à en faire tourner les sens à n’importe qui (Rebecca Romijn), et une musique envoûtante de Ryuichi Sakamoto dont le thème principal "Bolerish" fait penser à la plus célèbre des compositions de Ravel, à savoir "Bolero". La mise en bouche est pourtant de haute-volée, incrustée au sein du 54ème Festival de Cannes (2001), au cours duquel un casse audacieux va avoir lieu selon un mode opératoire précédemment expliqué dans ses grandes lignes. Jusque-là oui, c’est bougrement prenant, limite hypnotique (superbe prise de vue à travers la cloison en verre opaque), et c’est tout juste si l’écran (incidemment) caché par un agent de surveillance se remarque. Le spectateur a beau être subjugué par le mode opératoire du casse, certains détails comme celui-là ne lui échappent pas. Il y en a d’autres… Puis on change d’endroit, pour se retrouver quelque part dans un pavillon où les choses semblent se dérouler d’une façon curieuse. Le plus flagrant sera l’aquarium qui déborde… cela ne se remarque pas forcément bien qu’il soit placé au premier plan (certes flouté), simplement parce que la principale préoccupation de l’image se trouve ailleurs. Mais souvenez-vous en car c’est un détail d’une importance capitale (avec l’heure affichée par la petite pendule) qui vous fera comprendre à son retour le pot aux roses avant même qu’on vous dise ce qu’il en était vraiment. En attendant De Palma nous embarque dans une histoire assez originale sans qu’elle le soit vraiment. En effet, la femme fatale est un sujet qui a été maintes fois abordé par le cinéma. C’est plutôt le traitement qui sort ici des sentiers battus. A aucun moment on ne peut deviner la fin (sauf juste avant). Et c’est là qu’on retrouve la patte du cinéaste, car il sait brouiller les pistes. Pire, il envoie son public dans une direction alors que ce n’est pas du tout la bonne ! Chers lecteurs et chères lectrices, ne vous fiez pas aux apparences : tout parait clair, tout parait convenu, tout parait sans surprise, tout parait chaud patate et… à la longue terriblement ennuyeux. Le twist final est là pour sauver le tout, mais n’arrive-t-il pas trop tard pour rattraper l’éventuel désintérêt (et auquel cas grandissant) du spectateur ? Heureusement que Rebecca Romijn hypnotise le spectateur de son charme ! Visiblement, elle sait y faire pour jeter son dévolu sur sa proie, mais elle n’atteint pas le niveau de l’ensorcellement pratiqué par Sharon Stone ("Basic instinct"), ou de Juliette Binoche ("Fatale") ou encore de Kim Basinger. Antonio Banderas lui donne bien la réplique, mais il se contente de faire ce qu’il sait faire. En somme, Banderas fait du Banderas. Par ailleurs, la technique est irréprochable. Comme toujours chez De Palma, me direz-vous. Mais est-ce bien suffisant pour emballer tout un public ? Je ne crois pas, et si je dois me fier à la note donnée par les spectateurs, il semblerait effectivement que non.