Disons-le tout de suite, je chronique ce film parce que je viens de le découvrir en Director’s cut. Je suis allé voir Donnie Darko lors de sa sortie cinéma, en 2 001 et j’en étais ressorti… Comment dirais-je ? Dubitatif… Est-ce que je venais d’assister à une vaste fumisterie pseudo-intellectuelle, ou bien à un coup de génie ? Je ne l’ai d’ailleurs jamais revu depuis.
Car, reconnaissons-le, faire un premier film d’une telle ampleur est absolument inconcevable. Même Christopher NOLAN ou Darren ARRONOFSKY n’ont pas osé et se sont contenté d’exercices de styles électrisants. Or, le problème avec Donnie Darko, c’est que non seulement la forme est enthousiasmante d’originalité, mais le fond oblige le spectateur à se creuser les méninges en permanence durant la projection, mais aussi, et surtout, après. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Est-elle onirique ? Traite-t-elle du voyage dans le temps ? Est-ce tout simplement de la prémonition ?
Je me disais que la nouvelle version m’apporterait des réponses et orienterait mes réflexions. Que nenni ! Comment ? 20 minutes de plus et aucune explication supplémentaire ?! Eh bien, non !
Le découpage est cette fois basé sur les chapitres du livre de Grand-Mère-la-mort. Nous pouvons lire des « explications » sur le voyage dans le temps, mais qui n’apportent aucun éclairage nouveau, voire même, nous embrouillent un peu plus. Etant donné que ces textes ont été écrits par Richard KELLY lui-même, il n’y a pas de quoi être surpris.
Le véritable apport de cette version étendue est dans les scènes familiales. Certaines sont allongées et permettent de s’attacher un peu plus aux personnages, les rendant un peu plus drôles et sympathiques. Elles donnent aussi l’occasion de voir à quel point les acteurs sont bons dans ce film et collent parfaitement à leurs rôles. Le casting du film est tout bonnement incroyable et, ce qui est rare, il n’y a pas la moindre fausse note. Mais certaines scènes sont inédites et j’ai été particulièrement touché par celle où Donnie et son père discutent de la « normalité » et de la folie derrière la maison. Cette scène est très émouvante car elle prouve qu’Eddy, le père de Donnie, n’est pas complètement détaché de l’éducation de ses enfants, comme on pourrait le croire, et les aime profondément. Cette nouvelle scène a d’ailleurs une résonnance importante et apporte un regard neuf quant à la réaction de Donnie dans sa toute dernière apparition à l’écran.
Enfin, parlons de l’ouverture du film. Eh oui, on finit par le début ! Après s’être réveillé sur une petite route à côté de son vélo, Donnie, visiblement victime de somnambulisme, rentre chez lui au son d’une chanson d’INXS (je suis un fan absolu), qui fonctionne mieux que la chanson originale et vous invite au voyage. Car c’est bien de cela qu’il s’agit… Monterez-vous dans le bus scolaire avec Donnie, ou pas ? Les 10 premières minutes du film sont absolument cruciales. Soit, vous vous laissez emporter et acceptez les interrogations et la complexité de l’histoire à venir. Soit, vous êtes réfractaire et vous descendez. N’essayez pas, vous ne parviendrez à remonter en cours de route ! Si vous n’acceptez pas la proposition dès le départ, vous décrocherez.
Mais si vous parvenez à entrer dans cette histoire qui nécessite un effort de concentration et de réflexion, alors, vous aurez l’occasion de vivre un premier film-somme quasiment impossible à résumer, et je ne m’y risquerais pas de peur d’être forcément réducteur. Revenons simplement à ce que vous pourrez voir : un spectacle visuellement fouillé, un lapin, géant, une manipulation intellectuelle, l’éveil à la sensualité, une histoire labyrinthique avec plusieurs niveaux de lecture, le premier amour d’un ado, un nombre incalculable de références pop (en vrac, Stephen KING, Sam RAIMI, Duran-Duran, David LYNCH, Steven SPIELBERG, les BMX, Joe DANTE), l’importance de la littérature, de la schizophrénie, le voyage dans le temps, une réflexion sur le deuil plus profonde qu’il n’y paraît, un revival 80’s, un mix de films d’adolescents et de torture mentale et… la fin du monde. Rien que ça !
Le film est devenu culte sans que, pour une fois, le terme ne soit galvaudé. Il ne faut pas s’étonner que son auteur n’ait rien fait de mieux depuis : c’est quasi-impossible. Mais l’on ne peut s’empêcher d’attendre son quatrième film (un biopic sur Rod SERLIG, le créateur de la série La quatrième dimension) avec un mélange d’impatience et d’appréhension.
Allez, acceptez d’être dépassé et vous serez comblés !