C'est toujours un bonheur d'être emporté dans un film de Marco Tullio Giordana, même si à mon sens La meglio gioventù est infiniment au-dessus de I cento passi. Les films de Giordana s'adressent aux Italiens avant tout, et pourtant n'importe qui se sent italien en les regardant. Déceler Leopardi (L'infinito), Pasolini (Supplica a mia madre), entendre avec un plaisir suprême Domenico Modugno (Nel blu dipinto di blu) - et même The Animals (House of the Rising Sun) ou Mahler d'ailleurs -, retrouver Luigi Lo Cascio et Claudio Gioè, entendre dans sa tête pendant tout le film l'inoubliable I cento passi des Modena City Ramblers, sans que la musique ne vienne jamais. Peppino Impastato meurt le jour où Aldo Moro est retrouvé via Caetani, ce qui fait que sa mort passe d'abord inaperçue. La Mafia résout les problèmes par la violence, l'intimidation, et celui qui a créé une des premières radios libres siciliennes devait être éliminé. 'Devait' ? L'idéal de Peppino est la révolution contre la Mafia et surtout contre les habitudes : "Infondo tutte le cose anche le peggiore una volta fatte poi si trovano una logica, una justificazione per il solo fatto di esistere. [...] Tutto fa parte del paesaggio, c'è, esiste, nessuno si ricorda più come era prima." ; dès qu'une chose trouve sa logique, aussi laide soit-elle, vu que Marco Tullio Giordana introduit la beauté comme principe élévateur de l'esprit des hommes - il substitue la lutte politique, la conscience des classes, les manifestations au besoin de rappeler aux gens ce qu'est la beauté, de les aider à la reconnaître et à la défendre -, dès que cette chose se met à faire partie du paysage, elle est enracinée, à l'image de la Mafia. C'est un film rythmé pour réveiller les consciences, mais aussi un bel hommage.