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7eme critique
540 abonnés
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2,5
Publiée le 2 juin 2017
Youri Norstein relate l'amour impossible d'un héron et d'une cigogne dans ce court-métrage. Le créateur met des images sur l'expression "suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis", ni plus ni moins. Un petit jeu sentimental bien connu, mais qui tournera rapidement en rond lorsque l'orgueil intervient. Pas franchement passionnant si ce n'est sa belle technique si singulière une fois de plus.
Conte de l'illustre Youri Norstein qui illustre un "je t'aime, moi non plus" entre un héron et une cigogne. Cette impossibilité de synchronisation trouve avant tout son moteur dans le fait que chacun cherche d'abord à être en accord avec soi-même avant de l'être avec l'autre. L'utilisation des mouvements de caméra et de la profondeur de champ, virtuoses et inhabituels dans le domaine de l'animation de papier découpé, alliés à l'onirique douceur des décors, achèvent de faire de ce court conte un plaisir.
Un amour impossible entre un héron et une cigogne sert de postulat à la poétique de Yuriy Norshteyn dans «Tasplya i zhuravl» (URSS, 1974). Voisins, un homme-cigogne et une femme-héron domicilient dans des ruines de monuments envahis par une Nature romantique. Les dix minutes de ce tendre court-métrage d’animation sont occupées par des refus lancés par chacun des deux parties aux demandes de mariage de l’autre. Cette danse des egos qui, dans le cercle des refus oblige chacun à garder l’honneur, se perd dans le vertige du cercle vicieux. Débutant sur une taquinerie amoureuse, la femme-héron refuse tacitement la demande de l’homme-cigogne. La dignité de la cigogne le pousse à se retirer dans ses ruines pour ruminer en silence cet affront. La femme-héron, éperdue de la cigogne autant qu’il l’est d’elle, vient à lui proposer sa main. Aveuglé par son estime, la cigogne refuse. Le jeu se poursuit ad libitum, certainement après que le film s’achève. Cette histoire d’amour aux accents masochistes, dont Yann Samuel a repris le thème dans son monstrueux «Jeux d’enfant» (France, 2002), dispose du parfait esprit russe. Sur les sillons de Tchekhov, Norstheyn érige une quête de l’impossible, un amour froid fait d’un feu sclérosé par le marbre des caractères. Les silhouettes de papiers découpés et articulés dans une simplicité exemplaire forment un graphisme certain, dans la lignée singulière du «Conte des contes» de Norstheyn. Cette appropriation de l’animation comme genre en marge du cinéma pour servir un conte mélancolique résiste à la standardisation menée en Europe par la Disney Pictures. Emprunt de la force du cinéma russe, aujourd’hui gravement érodé, «Tasplya i zhuravl» conserve les structures culturelles de la Russie dans un conte au déroulement répétitif. Cette répétition a laquelle procède nécessairement le film lui confère l’aspect d’une valse, d’une danse cruelle où se malmènent deux âmes éprises de l’autre mais encore plus d’elles-mêmes.