Artiste atypique, peu célébré dans son pays d'origine, Kim Ki-Duk est pourtant l'une des figures de proue du cinéma coréen tant par son talent que par l'originalité de son art, point de rencontre entre l'occident et l'extrême-orient, mélange d'iconoclasme, de réflexion philosophique, de violence, de sensualité et de contemplation (entre autres). Véritable autodidacte, il résiste aux diverses étiquettes, riche d'une singularité qui ne lui permet malheureusement pas toujours d'être reconnu à sa juste valeur. Il faut dire que comme nombre de ses films, «L'Île» est traversé par des fulgurances d'une violence et d'une cruauté difficilement soutenables, volontairement injustifiées rationnellement ou narrativement parlant. Le cinéma de Kim Ki-Duk fait en effet la part belle à la puissance suggestive des images : peu de dialogues, peu de musique, peu d'explications quant aux motivations des personnages, et surtout un goût fort appréciable pour le mystère. Il ne reste plus aux acteurs que leur corps et leurs gestes pour s'exprimer, ainsi toute la violence que porte en lui le cinéaste coréen passe par des extrêmes déstabilisants, alternant moments de poésie pure ou de sanglante barbarie (automutilation, massacre de poissons), truismes peu avenants ou onirisme débridé. On pourra lui reprocher un symbolisme simpliste et une fascination pour les excès de violence et de sexe, mais ce serait caricaturer et surtout priver de sens l'expression la plus profonde et la plus sincère de son art. Rien n'est gratuit : chaque élément de ses films possède un sens propre, plus ou moins équivoque, et surtout illustré de la plus belle des façons (si l'on excepte ces « images-choc »). «L'Île» est en effet caractérisé par une esthétique magnifique : photographie sublime, cadrages parfaits, mise en scène inspirée. L'interprétation est quant à elle à la hauteur, Suh Jung en tête, malgré des rôles éreintants! Subtil et grossier, horrible et superbe à la fois, un film exigeant, d'une force peu commune! [2/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/