Freaks, la monstrueuse surprise
Autant l’avouer, je suis (malheureusement ?) peu attiré par le cinéma des années 20 et 30 en général, malgré je l’accorde volontiers d’excellentes surprises comme les Eisenstein, Lang et autres. Et certains qui me suivent savent aussi sans doute que j’ai peu d’attrais pour les films muet. Freaks rentrait pour moi dans ces deux catégories, film de 1932 et que je CROYAIS muet. Du coup j’ai mis du temps à me motiver pour le regarder, mais bon je me suis dit qu’1h de film c’est vite passé, alors tentons …
Et j’ai bien fait, j’ai bien fait de me forcer un petit peu, car Freaks n’a pas volé sa réputation d’œuvre incontournable du cinéma.
L’histoire est très simple, on suit une troupe de cirque ambulant, mais entre acrobates, clowns et autres, on trouve aussi des individus non communs, des nains, des siamois, à un homme tronc en passant par une femme à barbe. Le réalisateur pour développé son scénario concentre son attention sur l’histoire entre Hans le nain et une acrobate, qui apprenant la fortune considérable de ce dernier accepte de se rapprocher de lui (en voyant que celui ci lui fait la cour) et accepte sa demande en mariage, et complote pour le faire disparaître … Mais les « semblables » d’Hans ont conscience du subterfuge, et décide de réagir …
Bon, autant être clair il n’y a pas vraiment de suspense dans le film, on sait rapidement que tout cela va mal se terminer, reste juste à savoir de quelle façon…
Le message du film sera surement simple et caricatural pour certains, mais moi je le trouve tout à fait légitime. Tod Browning oppose dans un premier temps la monstruosité physique des freaks à la monstruosité « morale » de certains individus dits « normaux ». En montrant que plus que le physique, c’est le comportement de certaines personnes qui peut être vu comme monstrueux (railleries et dénigrement constant). Mais heureusement, le réalisateur ne tombe pas dans un angélisme béat, misérabilisme primaire, sentimentalisme à trois francs six sous, en faisant des freaks simplement de parfaites victimes innocentes de la moquerie et montre bien que ceux ci, malgré leur différence physique, restent avant tout « humain » et peuvent se conduire de la même façon que certains individus dits « normaux ».La monstruosité est ainsi partagée par tous.
A noter aussi que Browning arrive à nous mettre mal à l’aise devant notre téléviseur lors de certaines séquences comme celle du diner, où l’on atteint le summum des railleries et on se prend d’une certains compassion pour ces freaks devant tant d’attaques injustifiées.
Le propos du film , qui reste toujours d’actualité notamment en élargissant le propos à la situation des handicapés, prend encore plus de force quand on sait que le film est sorti en 1932, rien qu’à penser au conservatisme des sociétés de l’époque, on se dit qu’il en a fallu du culot à Browning pour oser faire un tel film.
Et comme me disait il y a quelques jours notre camarade Drome, avec lequel je suis entièrement d’accord, comme quoi même aujourd’hui on « oserait » plus faire un tel film.
En évoquant l’âge du film, on ne peut qu’être d’ailleurs frappé par la qualité de la réalisation de Tod Browning, franchement, si j’avais regardé le film sans rien savoir je n’aurais pas imaginé qu’il puisse dater d’une époque si reculée (le noir et blanc est magnifique, les cadrages réussis, un montage ingénieux…).
Après de telles louanges, pourquoi un 8 et pas plus ? Car certes j’ai trouvé le film intéressant, juste dans son propos, magnifique visuellement etc etc mais en fait celui ci manque d’un certain rythme, je trouve que l’histoire stagne trop par moments. Un peu plus de mouvements, ou un scénario plus développé aurait été appréciable.
Angoissant, frappant, marquant, dérangeant, incontournable, Freaks la monstrueuse parade n’a pas usurpé son immense réputation, un film à voir, tout simplement.
PS : Et bien entendu, quand on sait que les personnes difformes du film le sont véritablement, cela ne peut que renforcer le caractère frappant du film
PS2 : Critique écrite entre deux rangements de documents à la médiathèque, on s'en fiche, mais ça peut toujours servir pour une étude sociologique