Je dois avouer qu'au départ, j'avais une petite appréhension car malgré ma fascination pour les vieux films et en particulier les vieux films d'horreur ou fantastiques, je craignais de voir un film trop vieillot et désuet, impression que j'éprouve souvent au moment de voir un vieux film.
Et franchement, ce film est un chef-d'oeuvre, méritant largement sa réputation. Tod Browning est un cinéaste trop souvent sous-estimé ou oublié alors qu'il est à mes yeux au même niveau que James Whale. On a longtemps cru comme on le croit encore aujourd'hui, que Freaks est un remarquable plaidoyer pour la différence et une formidable leçon de tolérance. Alors, s'il est vrai que le film démontre qu'une âme noire peut revêtir une apparence séduisante et engageante, à travers les personnages de Cléopâtre et de Hercule, il ne fait pas pour autant passer les freaks pour de gentils anges à l'âme pure. En effet, non seulement ils se vengent, mais en plus dans la scène où ils attaquent Hercule et Cléopâtre, ils sont filmé de façon menaçante et horrifique, à la manière des monstres maléfiques des films d'horreur de l'époque. Browning ne les regarde pas avec bienveillance, mais comme des êtres humains normaux avec leurs défauts et leurs pulsions, et, ainsi, évite au film de sombrer dans un banal discours manichéen. Néanmoins, il introduit deux personnages humains, Venus et Phroso, dépeints positivement, permettant au spectateur de trouver un semblant d'identification. Le final est certes convenu (faut savoir qu'il a été rajouté car les producteurs voulaient absolument une fin heureuse), mais en même temps logique car offrant une double résolution : Hans a compris que Frieda est son âme soeur, se réconcilie avec elle et peut enfin songer au vrai amour comme Phroso par rapport à Venus. Le parcours des héros est ainsi achevé et sur une note positive réjouissante. Au final, Freaks est à la fois un conte moral et une fable horrifique, beaucoup plus riche qu'il n'y parait, conservant encore aujourd'hui son côté dérangeant et perturbant. Je ne regrette qu'une chose, c'est que la version soit mutilée, car en effet, le film avait tellement horrifié les producteurs au moment de sa sortie qu'il fut victime de la censure. 30 minutes du film furent coupées et perdues à tout jamais, le film passant de 90 minutes à 60 minutes. Et quand on sait cela, on ne peut être imperméable au sentiment de frustration.