https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/06/21/daniel-critique/
« Ce film reste, pour moi, l’un des meilleurs que j’ai jamais faits » nous dit Sidney Lumet, sachant qu’il a pour lui 44 films !! Pour préparer son film, Lumet a rencontré quatre gardiens qui ont assisté à l’exécution des époux Rosenberg et il aura étudié de près le fonctionnement de la chaise électrique. Les scènes d’exécutions qui ne lésinent pas en effet sur le moindre détail sont l’apogée horrifique de cette charge contre la peine de mort. Rien ne sous sera épargné, non par voyeurisme ou lourdeur mais dans un évident souci de dénonciation salutaire. Les plans sur Daniel qui parle à sa conscience donc à la notre, des pires sévices possibles, comme autant de mode opératoire pour des crimes d’état, mettent en lumière la barbarie des hommes. C’est Lumet l’humaniste, et on ne s’en lassera jamais… Sur la durée du long-métrage, le cinéaste fustige le délit de la pensée d’une Amérique qui se veut parfois trop fière de son histoire. S’il insiste davantage sur la dramaturgie familiale, il égratigne sévèrement la violence institutionnelle.
Mais clairement, c’est ici le drame de l’intime à travers l’héritage du militantisme politique de leurs parents. C’est au début des heures chéries, où l’on est parfois un peu l’objet de ses parents, qui nous transmettent autant leurs névroses que leurs passions. Toute une partie du film sera ainsi consacré au foisonnement intellectuel et à l’art du militantisme qui va bercer l’enfance de Susan et Daniel. C’est d’ailleurs toute la tragédie de cette histoire avec cette parabole de deux temporalités, tant on devine que l’insouciance du passé, la douceur du cocon familial, avec en singularité le culte d’une opinion minoritaire au pays de la bannière étoilée, qui va servir de base aux drames qui poursuivront les enfants dans leur vie d’adulte. C’est le cœur de la puissance filmique de Daniel.
Timothy Hutton est un Daniel bouleversant tant il oscille entre introspection et colère. Sa palette est complète et à chaque fois, c’est un grand moment d’authenticité, il est comme habité et nous embarque dans des registres émotionnels bien tourmentés. Amanda Plummer semble porter toute la souffrance de Susan dans chacun de ses mouvements, dans tous ses mots, dans la force du mal qui la ronge. Elle est impressionnante de douleurs. Daniel se manifeste par la puissance de ses convictions et de son amour pour les siens. Des thèmes qui guident le cinéma de Lumet, et comme lui-même dit que c’est son meilleur film…