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soniadidierkmurgia
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4,0
Publiée le 7 juillet 2024
« Daniel » évoque d’abord une chanson très célèbre d’Elton John, écrite par Bernie Taupin en 1973 (Album « Don’t shoot I’m only the piano player ») mais on le sait un peu moins c’est aussi un très beau film de Sidney Lumet sorti sur les écrans en 1983. Le film est inspiré du roman de E.L Doctorow paru en 1971 qui en très étroite collaboration avec Lumet écrit lui-même le scénario. Immédiatement après la parution, Lumet songe à l’adaptation mais il se trouve alors dans sa période la plus fructueuse, réalisant coup sur coup « The Offence », « Serpico », « Un après-midi de chien » et « Network ». En 1982 avec « The verdict » l’un de ses films les plus aboutis il connaît son plus gros succès au box-office. À la suite, il peut donc trouver un financement pour « Daniel » dont Lumet sait parfaitement qu’il ne sera pas « vendeur ». S’engage à la suite une série de films où le réalisateur plus introspectif s’interrogera sur la filiation à travers les conséquences sur le long terme de l’éducation délivrée par les parents et reçue par les enfants. « Daniel » est le premier de la série qui comprend « A la recherche de Garbo » (1984), « A bout de course » (1988), « Family Business » (1989) et « 7h58 ce matin-là » (2007) le dernier film de Lumet. Si le contexte général de l’intrigue fait clairement allusion à l’affaire des Rosenberg (Julius et Ethel), le propos de Lumet est ailleurs qui utilise ce drame très intense pour observer comment le choix, ici particulièrement radical, des parents influe de différentes manières sur les enfants (Daniel et Susan). Aidé du très talentueux Andrzej Bartkowiak à la photographie, Lumet met au point un système visuel et narratif sophistiqué basé sur des flash-backs subtilement agencés montrant comment le passé et le présent tout d’abord se répondent (image sépia pour les années 1950 et tons plus chauds pour les années 1960) pour finir par fusionner une fois que l’héritage parental aura été enfin digéré par Daniel. Celui-ci alors jeune adolescent avait vécu de manière consciente le drame de ses parents militants communistes, convaincus d’intelligence avec l’Union Soviétique, qui préféreront mourir sur la chaise électrique plutôt que d’avouer leur trahison ou de lâcher des noms en pâture. Triste époque que celle de « La chasse aux sorcières » que le réalisateur connaît bien pour avoir fait travailler plusieurs scénaristes et techniciens blacklistés dans ses premiers films. Susan la jeune sœur de Daniel formidablement interprétée par la très convaincante Amanda Plummer n’aura pas la cuirasse assez dure, subissant de plein fouet la carence affective provoquée par le départ brutal et beaucoup trop précoce de son père (Mandy Patinkin) et de sa mère (Lindsay Crouse). Daniel c’est Timothy Hutton alors jeune acteur ayant percé deux ans plus tôt, récoltant pour son premier film un Oscar dans un second rôle (« Des gens comme les autres » de Robert Redford) et qui souhaitant absolument interpréter Daniel a fini par convaincre Lumet et Doctorow qu’il était l’homme de la situation. Acteur exigeant comme le montrera la suite de sa carrière, Timothy Hutton incarne avec conviction ce jeune homme pas toujours sympathique cherchant par tous les moyens et souvent maladroitement à s’accomplir enfin dans sa propre vie qu’il n’arrive pas à habiter alors qu’il est déjà marié et lui aussi père. Comme toujours Lumet met en lumière les interrogations qui l’habitent pour les faire partager aux spectateurs mais sans jamais exposer sa propre vision des faits. Le « bourrage de crâne » ne fait pas partie de l’arsenal de ce très grand réalisateur aux convictions pourtant très ancrées mais qui pour autant n’arrêta jamais de douter. « Daniel » très longtemps invisible en France après une sortie sur les écrans parisiens en 1984 fait aujourd'hui l’objet d’une édition B-Ray salutaire dotée d’une introduction très argumentée et comme toujours juste de Jean-Baptiste Thoret.
On retrouve ici un Lumet plus militant que jamais, durant la période chasse aux communistes, la même illustrée récemment dans Oppenheimer. Coupables ou victimes? Peu importe, ce couple inspiré de l'histoire des Rosenberg, sont des idéalistes et engagés pour faire valoir leurs idées dans une démocratie. Lumet s'attache particulièrement à l'impact destructeur du militantisme des parents sur les enfants, dans une version plus trash que celle de RUN ON EMPTY, qu'il tournera quelques années plus tard. A remarquer la prestation hallucinée de Plummer en fille suicidaire des Isaacson. spoiler: Il ne nous épargne aucun détail de la mise en œuvre de la chaise électrique même si le montage prépare le spectateur progressivement à ce qui était monnaie courante dans les années cinquante aux USA.
Les couleurs, même après restauration un peu pâlottes, c'est peut-être volontaire pour retrouver la qualité des reportages de l'époque. cinéma - juillet 23
C’est l’affaire Rosenberg, sous l’identité de la famille Isaacson que Sidney Lumet met en lumière de façon prodigieuse . Il fixe principalement son intérêt sur les enfants du couple , et dans une bifurcation temporelle assez particulière donne à Daniel l’occasion de contre-enquêter sur cette affaire d’espionnage en faveur de l’Union Soviétique. C’est l’accusation portée contre ses parents, et le doute encore aujourd’hui subsiste sur la validité d’un dossier très sérieusement surveillé par le gouvernement qui à l’époque, le début des années cinquante, doit faire face à une vive propagande communiste. Le réalisateur démontre avec humanité, sans pathos aucun, les dégâts provoqué à tout jamais sur les deux enfants. La petite fille sombre dans la folie, son frère Daniel dans la déraison d’une histoire qui lui échappe. C’est parfaitement écrit, et interprété avec une intensité touchante de la part de Timothy Hutton, alors tout jeunot. Amanda Plummer lui répond, avec un instinct pathétique dans son délire paranoïaque qui montre du doigt les bourreaux. Pour en savoir plus : lheuredelasortie.com
Quel beau film émouvant et bouleversant. Prenant le contexte de la guerre froide et des manifestations pour la paix, Lumet nous parle avec une force émotionnelle intense de la vie de cette famille et de ces enfants séparés de leurs parents. Les sauts dans le temps sont très joliment dosés et apportent un éclairage sur les éléments constitutifs de la famille. Un père proche de ses enfants, une mère en conflit avec sa mère et des enfants qui apprennent en quelque sorte à prendre le relais des combats de leur parents. Le film a une fin très très dure et l’on sort de la salle dans un trouble certain. Superbe.
Chef d'œuvre ! L'évocation du destin des Isaacson alias Rosenberg est abordée sous un angle tout à fait original. Il ne s'agit pas d'argumenter sur leur culpabilité ou pas, ou de raconter le cheminement du couple. Sont ici traitées les répercussions sur l'entourage, essentiellement les enfants mais pas seulement. Le grand mérite du film, outre ses qualités humaines, scénaristiques et cinématographiques, est de laisser la politique à l'écart.
La filmographie de Sidney Lumet, d’une remarquable cohérence, restitue avec exactitude et intelligence, si l’on venait à mettre ses films bout à bout voire à les emboîter les uns dans les autres, la naissance d’une culpabilité et d’un statut de hors-la-loi au sein de la famille, conduisant au jugement par la société et devant les tribunaux. Daniel en est peut-être l’exemple le plus éloquent tant la structure de son récit fait cohabiter un passé placé sous le signe des tensions politiques qui déchaînent New York et des abandons successifs que celles-ci occasionnent dans la famille Isaacson, et un présent marqué quant à lui par l’incompréhension et la quête de vérité, avec entre les deux un procès absent. La famille, en effet, apparaît comme une zone de turbulences apte à restituer les agitations politiques. Les différents jugements rendus sont communiqués au personnage principal – et au spectateur par la même occasion – de façon morcelée et contradictoire, de sorte à générer une suspicion générale à l’égard des paroles et des actes. Cette confusion découle de mouvements de contestation du gouvernement américain qui animent les rues et les parcs, rendant confuses les revendications par trop-plein ; la sœur Rochelle, psychologiquement instable, symbolise l’imprécision du déchaînement idéologique qui prend l’aspect d’une masse uniforme : versatile, elle se rallie aveuglement aux causes plébiscitées comme auparavant elle défendait la religion. Lumet rend ainsi compte de la complexité des engagements et des voix qui révèle, en miroir, la complexité des enjeux politiques d’une époque marquée par la Guerre Froide, la paranoïa interétatique et la chasse aux sorcières. Il compose une œuvre riche et humaniste qui représente le délitement progressif mais inévitable d’une famille vécue, par Daniel, comme un arrachement et contre laquelle il se révolte en fondant lui-même un foyer ; une œuvre encadrée par des images de manifestations et d’exécutions capitales, une œuvre écartelée entre ses séquences de dialogue et d’autres quasi muettes, scandées par la musique de Bob James, qui traduisent à merveille la démarche d’exhumation de la vérité par la parole et de sauvetage de la mémoire familiale entreprise par Daniel. Il bénéficie enfin d’une interprétation magistrale. Un grand film injustement méconnu.
Reedition en salle de " Daniel" film de Sydney Lumet dont la diffusion fût brève lors de sa sortie en première exclusivité en 1984.
La thématique porte sur les conséquences des choix passionnés ou militants des parents sur les enfants ( ce sont eux au final qui trinquent), sera de nouveau abordé par le cinéaste dans " A bout de course" ( opus de Lumet plus tardif, passé inaperçu lors de sa sortie et qui bénéficie aujourd'hui d'un assentiment du public et de la critique.
C'est l'affaire des époux Rosenberg ( condamnés à mort pour espionnage au profit de l'U.r.s.s) qui inspirera le scénario tiré d'un ouvrage de Doctorow. Le cinéaste expliqua que le projet lui tenait à coeur depuis longtemps et qu'il passa des années à essayer de réunir le financement.
Si la premiere partie pèche par ses longueurs et le manque de rythme qui parcourent plusieurs scènes, les décors étriqués et même étouffant, la seconde est formidable d'écriture et donne tout le prix à cet opus de Lumet
Lumet parvient à transmettre beaucoup d'émotions dans le portrait de Daniel qui parvient après la perte tragique de ses proches à aller de l'avant pour finir par se retrouver enfin.
Timothy Hutton était au début de sa carrière dans cette histoire de résilience et de plaidoyer contre la peine de mort, après l'oscar du second rôle qu'il avait obtenu peu de temps auparavant, sert avec conviction et délicatesse son personnage.
« Ce film reste, pour moi, l’un des meilleurs que j’ai jamais faits » nous dit Sidney Lumet, sachant qu’il a pour lui 44 films !! Pour préparer son film, Lumet a rencontré quatre gardiens qui ont assisté à l’exécution des époux Rosenberg et il aura étudié de près le fonctionnement de la chaise électrique. Les scènes d’exécutions qui ne lésinent pas en effet sur le moindre détail sont l’apogée horrifique de cette charge contre la peine de mort. Rien ne sous sera épargné, non par voyeurisme ou lourdeur mais dans un évident souci de dénonciation salutaire. Les plans sur Daniel qui parle à sa conscience donc à la notre, des pires sévices possibles, comme autant de mode opératoire pour des crimes d’état, mettent en lumière la barbarie des hommes. C’est Lumet l’humaniste, et on ne s’en lassera jamais… Sur la durée du long-métrage, le cinéaste fustige le délit de la pensée d’une Amérique qui se veut parfois trop fière de son histoire. S’il insiste davantage sur la dramaturgie familiale, il égratigne sévèrement la violence institutionnelle.
Mais clairement, c’est ici le drame de l’intime à travers l’héritage du militantisme politique de leurs parents. C’est au début des heures chéries, où l’on est parfois un peu l’objet de ses parents, qui nous transmettent autant leurs névroses que leurs passions. Toute une partie du film sera ainsi consacré au foisonnement intellectuel et à l’art du militantisme qui va bercer l’enfance de Susan et Daniel. C’est d’ailleurs toute la tragédie de cette histoire avec cette parabole de deux temporalités, tant on devine que l’insouciance du passé, la douceur du cocon familial, avec en singularité le culte d’une opinion minoritaire au pays de la bannière étoilée, qui va servir de base aux drames qui poursuivront les enfants dans leur vie d’adulte. C’est le cœur de la puissance filmique de Daniel.
Timothy Hutton est un Daniel bouleversant tant il oscille entre introspection et colère. Sa palette est complète et à chaque fois, c’est un grand moment d’authenticité, il est comme habité et nous embarque dans des registres émotionnels bien tourmentés. Amanda Plummer semble porter toute la souffrance de Susan dans chacun de ses mouvements, dans tous ses mots, dans la force du mal qui la ronge. Elle est impressionnante de douleurs. Daniel se manifeste par la puissance de ses convictions et de son amour pour les siens. Des thèmes qui guident le cinéma de Lumet, et comme lui-même dit que c’est son meilleur film…
Sidney Lumet, cinéaste prolifique sur près de 50 ans, a engendré une belle carrière cinématographique allant des années 50 aux années 2000). J'ai revu "Daniel" en Octobre 2023, après l'avoir découvert à sa sortie 40 ans plus tôt, mais dont je n'avais plus guère de souvenirs. Cinéaste engagé et humaniste, Lumet met en lumière les dégâts collatéraux ainsi que les conséquences à long terme que subissent les deux enfants. L'interprétation de Timothy Hutton, alors encore tout jeune, est remarquable.
Film inspiré des Rosenberg et questionnant l'héritage tragique de l'engagement politique, Daniel est une sorte de brouillon d'A bout de course et de fait s'en est retrouvé oublié dans la filmographie de Sidney Lumet. Une injustice à réparer car s'il est de prime abord plus âpre et retors que son petit frère, Daniel se révèle tout aussi émouvant et essentiel dans son histoire permanente de la contestation. Dans son incontournable ouvrage Faire un film, Lumet parle beaucoup de Daniel, sans doute parce qu'il est trop méconnu, et en particulier de son travail photographique sur les flash-backs : ceux-ci sont d'abord désaturés et un peu ocres, s'insérant brutalement dans le montage et déconcertant le spectateur, pour progressivement s'harmoniser avec l'esthétique des images du présent de la diégèse à mesure que la conviction de Daniel s'aiguise et qu'il se réconcilie avec son passé.