Quand on a "cinquante-dix" ans et dansé sur les premiers tubes de Ray Charles cueillis dans les bacs tout neufs de la Fnac Sébastopol au début de sixtees, comment juger objectivement ce film ? Retour à la source d'un plaisir musical jamais tari, si émouvant et chargé de nostalgie qu'on serait tenté de s'enthousiasmer pour ce film même s'il était médiocre..."Dis, tu nous lâches avec tes souvenirs des "tees-six" et tu nous parles du film ? " Ok, les jeunes ! Eh bien, je dirai que c'est un sans faute, et que, même vous, pouvez aller voir ce film "les yeux fermés" (sorry !) même si vous n'aimez pas ce/le jazz. Notre "genius" était noir, orphelin, aveugle, exploité, victime du racisme, plongé dans la drogue : on pouvait s'attendre au pire pathos de la part d'un metteur en scène états-unien. Pas du tout. Le talentueux Hackford a su l'éviter. Tout cela est mis en scène sans complaisance, bien filmé, bien monté, les scènes musicales et biographiques s'imbriquent parfaitement et donnent au film un rythme et un équilibre tels qu'on ne voit pas passer le temps. La performance de J. Foxx est remarquable, et la ressemblance si convaincante qu'on croit vraiment voir le vrai Ray Charles à l'écran. Ce dernier a "coaché" l'acteur et il y est sans doute pour quelque chose. Il est émouvant de voir mis en scène les enregistrements studio ou les premières versions de ces morceaux impérissables. La séquence, authentique selon les biographes, où Ray improvise et crée "What'd I say" est déjà un morceau d'anthologie. Belles images aussi, dès la première séquence, que ces bouteilles dans les arbres, clin d'oeil tragique au célèbre "Strange Fruit" de Billie Holiday. Très beau film, à la hauteur de l'immense talent (génie ?) de Ray Charles, comme le remarquable "Bird" de Clint Eastwood en hommage à Charlie Parker. Ah, la voix de Ray Charles, tellement inouie (dans tous les sens du terme) qu'il nous aurait émus en chantant "Duck's dance" ("La danse des canards",of course)