La beauté de ce film tient dans la limpidité de son propos pacifiste et humaniste. Pas de démonstration édifiante, pas de déballage lyrique. Mais une histoire simple et pudique, filmée à hauteur d'hommes, comme disait Howard Hawks. La générosité, la fraternité, l'amour aussi (dans le dernier quart du film) sont traités avec une évidence littéralement désarmante. Une évidence qui transcende les frontières, les religions et les classes sociales, même si le sentiment d'appartenance à une classe sociale demeure toujours, aux yeux de Renoir, un élément discriminant en termes d'affinités électives. En témoigne l'amitié aristocratique entre Boeldieu (Pierre Fresnay) et Rauffenstein (Erich von Stroheim), ou l'amour entre les personnages interprétés par Jean Gabin et Dita Parlo, le prolo français et la paysanne allemande.
Le thème du rapport entre les classes est au coeur du réalisme social de Renoir en général, comme il est au coeur de son histoire personnelle, lui qui, dans sa jeunesse, a côtoyé à la fois le "peuple" (via les domestiques de son père) et l'aristocratie artistique et intellectuelle de l'époque, avant de s'engager bien à gauche en politique. Jusqu'alors, le cinéaste avait surtout pointé dans ses oeuvres les tensions qui résultaient de ces rapports, souvent dramatiques. Ici, il met l'accent sur un esprit de cohésion et de paix, sans pour autant basculer dans l'angélisme, les notions de respect, de devoir et d'honneur (qui motivent le sacrifice permettant l'évasion finale) pouvant très bien se substituer à des sentiments profonds.
Quoi qu'il en soit, il y a dans ce film beaucoup de chaleur humaine, que le réalisateur sait rendre tantôt joyeuse (la camaraderie entre détenus, le partage des denrées gourmandes, l'humour gouailleur du personnage de Carette...), tantôt grave (l'amitié impossible entre les deux militaires les plus gradés, leurs dernières confessions amères) ou sobrement mélodramatique (l'histoire d'amour contrainte par la guerre). La synthèse de ces tonalités se fait avec une belle maîtrise classique côté réalisation et photographie, un peu moins côté montage, avec certains enchaînements parfois abrupts. Mais ce que l'on retient le plus, c'est la direction d'acteurs : Gabin, Fresnay, Stroheim, Dalio, Parlo, Carette. Tous excellents dans ce film qui a offert à Renoir une renommée internationale.