Ce très grand classique du cinéma Français est en effet pétri de qualités. Réalisation, interprètes, montage, scènes marquantes, … Au-delà de l’histoire, centrée autour de tentatives d’évasions, les personnages mis en scène par Renoir sont, tous, des gens bien. La fraternité, l’entraide et la compréhension sont une constante des comportements, même en temps de guerre, guerre visiblement subie et non voulue. Que ce soit ceux des officiers, d’un simple geôlier (qui offre l’harmonica à Maréchal et se réjouit qu’il l’utilise) ou de la paysanne. Renoir fait montre d’un humanisme qui dépasse les camps et les frontières, qui ressemble à une forme d’internationalisme. Mais comment comprendre dans ce cadre la vibrante Marseillaise entamée par les prisonniers, interrompant le spectacle auxquels ils assistent, à l’annonce de la prise de Douaumont par les troupes Françaises ? Je n’ai pas l’impression que le réalisateur ait voulu dénoncer, au second degré, un patriotisme dérisoire à l’occasion de la reconquête certainement très couteuse en vies humaines d’un village dont l’un des personnages dira plus tard qu’il ne reste plus rien. Un autre axe fort du film est le propos selon lequel les différences de classe sont aussi, voire plus importantes que les différences de nationalités. Défendre les compatriotes et -surtout- la Patrie est un devoir, mais les affinités relèvent de la culture et de la classe sociale. La confiance aussi, l’officier aristocrate Allemand ne demandant que la parole de l’officier aristocrate Français, celles du bourgeois juif et celle de l’homme du peuple n’ayant aucune valeur à ses yeux. Ce propos est extrêmement pertinent ; mais le bât blesse un peu car Renoir montre avec emphase une sympathie, voire une admiration envers ces comportements élitistes et « chevaleresques » d’une classe sociale bientôt engloutie par le temps teintés de mépris pour les classes inférieures. Ce que Visconti traitera plus tard avec sensibilité, nuance et profondeur, Renoir le limite à l’attachement rigide à des valeurs et -surtout- des principes. Si l’on rajoute que la vision de la guerre, pour absurde qu’elle soit, n’est pas si dramatique (les comportements de potaches des prisonniers, leurs repas presque gastronomiques grâce aux colis reçus), le film m’a laissé un goût d’ambigüité nuisant fortement à ses indéniables qualités.