J'ai "enfin" vu ce film, hier, lors d'une retropesctive sur la réalisateur au cinéma Mac Mahon, séance de 14H. Salle remplie au tiers. J'ai voulu voir ce film avec un oeil neuf, en le sortant du cadre dans lequel il a été placé par beaucoup de critiques cinéma (presse et/ou public).
Il faudra prendre en compte, bien sûr le contexte du film, par rapport à l'histoire qu'il raconte, mais également l'époque à laquelle il a été tourné. tout cela a été analysé, commenté, et je ne me sens pas ici d'en rajouter sur ce sujet.
Sur l'analyse de fond, je note que Renoir attache une extrême importance (si ce n'est le sujet principal du film) à décrire le rapport des classes sociales au sein d'un environnement donné, presque à huis clos. Finalement, la grande illusion, serait une "translation" de la règle du jeu, dans un camp de prisonnier. L'on y retrouve la classe bourgeoise, les cadres officiers supérieurs, quasi indisctinctement français ou allemand, et la classe ouvrière, pour schématiser simplement. Sur ce sujet là , la connaissance et la maitrise de Renoir pour retranscrire ce monde des "classes" est incontestable; les scènes où par exemple les cadres officiers recréent dans leur cellule un petit monde bourgeois, en se faisant livrer des colis du fouquet's ou de chez Maxim's, ou encore, gabin qui discute avec cet ingénieur du cadastre, et qui lui demande au final "c'est quoi le cadastre" avec une incrédulité assez étonnante, ces scènes sont remarquables.
Ce qui m'a géné, au contraire, c'est qu'on ne peut oublier que les situations se passent dans un camp de prisonniers de guerre. Et l'on oublierait presque, par moment, que les français sont prisonniers des allemands. Ont t'ils l'air épuisé, stressé, amaigri, ont t'ils l'air de mal vivre leur détention. Il y a bien une scène où gabin est un peu maltraité et se retrouve au "trou", mais cette situation est tellement isolée du reste du film qu'on y prete guere attention. Finalement la vie a l'air plutôt confortable, et c'est justement parce que cette vie est "retranscrite" confortable par le cinéaste, qu'il a le temps de faire deviser ses protagonistes sur les classes sociales. J'aimerai vraiment savoir si d'anciens prisonniers de guerre ont pu jugé ou comment ils jugeraient le réalisme historique de ces scènes.
Par ailleurs d'autres scènes sont d'une naiveté confondante et semble montrer au contraire la méconnaissance de renoir pour le monde de la guerre. La scène de la tentative d'évasion, où les cadres creusent un trou dans leur chambre, semble totalement peu crédible et à nouveau hors sujet. La scène de romance entre gabin et la fermière allemande, idem, on a vraiment l'impression d'une relecture assez rose du monde prisonnier, on devise, on mange du caviar, on organise des faux concerts de clarinette, on flirte ....bref, si j'osais une caricature, un peu grossière, pour ce qui est du descriptif du monde de la guerre, on se croirait dans la série papa schultz.
Pour résumer, je pense que l'art du cinéaste pour la peinture des classes sociales est merveilleux, mais que ici, le monde de la guerre ne s'y prétait pas, et surtout pas la vision romantique du cinéaste qui n'est pas adaptée au milieu carcéral. Et malheureusement, 1000 autres films ont été réalisé qui retranscrivaient avec un réalisme terrifiant le monde des camps de prisonniers, et ce film a l'air "un peu", et là je ne veux offenser personne, qui tienne ce film pour un chef d'oeuvre, mais un peu d'une bluette à côté ..