Un couple de veilles personnes mettent au point une machine diabolique pour contrôler les faits et gestes de leur victime après l’avoir hypnotisé. «The Sorcerers» (Grande-Bretagne, 1967) de Michael Reeves se permet l’audace, à une période où la jeunesse opère sa révolution, de faire dominer les vieilles personnes toutes-puissantes sur la faiblesse juvénile. La tension du film ne provient pas du sort réservé au personnage d’Ian Ogilvy, le jeune manipulé par le pouvoir des vieillards, mais plutôt des disputes morales que se livrent la femme et l’homme âgés. Se partageant le pouvoir de diriger le jeune homme et d’en ressentir les sensations, l’homme (interprété avec tiédeur par Boris Karloff) et la femme se disputent jusqu’à se combattre à mort pour manipuler le jeune, et par extension pour prendre leur revanche sur la vieillesse en retrouvant l’innocence du jeune âge. Tandis que l’homme décide d’amoindrir les possessions, la femme, avide de sensations stimulantes, n’a de cesse de s’adonner à ces prises de contrôle télépathique. La photographie obscure de Stanley A. Long, qui se permet un instant de feu coloré psychédélique, enfonce les situations dans le creux des esprits. Ces scènes noires, plongées dans l’obscurité la plus trouble déplacent les ténébreuses pensées des vieillards au rang de tous les décors. Les ombres monochromes, qui gravent les peaux des deux vieillards, ensevelissent tout le film sous un drap sombre et obscur. Et si la fantaisie de l’horreur prête à comparer le film, du moins son scénario, à la plus réussie des séries B, sa mise en scène, sa plongée inquiétante dans des obscurités en fait une œuvre pensée, réfléchie certes en fonction des codes du genre mais exaltée par une musique minimale. La réussite du film, sa faculté à concerner directement le spectateur, est la même que dans les films d’Hitchcock : les vieux personnages, dans lesquels nous sommes projetés, sont les regards qui agissent sur leur objet de perception (le jeune homme).