"L'éclipse" (1962) est un film esthétiquement sublime, très original dans sa construction, comme à l'habitude d'Antonioni, et qui met en scène deux acteurs formidables, à savoir Alain Delon, en pleine période de gloire (artistique) et Monica Vitti.
Le rythme lent, les longs plans séquence, les ellipses narratives et la faible fréquence des dialogues soulignent un étirement du temps, qui devient angoissant à la fin, ces fameuses six dernières minutes de vide, d'impression de plénitude. Film à la fois romantique et pessimiste vis à vis de l'homme, vis à vis de la société de consommation. L'homme dans l'incapacité de vivre en société (scène de la Bourse, comme un ring), d'aimer (rupture de Vittoria et Ricardo, puis ennui de Vittoria avec Piero), de communiquer (longs silences)... Cinéaste de l'incommunicabilité, Antonioni est fidèle à son art. L'obsession de l'abstraction est toujours présente, par sa structure narrative, ses épisodes très élargis dans le temps, et les plans d'objets, de formes géométriques, abstraites.
Puis pour ce qui est du titre, le film est apparemment marqué par les contrastes entre le noir et le blanc, d'avantage prononcé lors de la dernière séquence. L'éclipse c'est aussi une rupture, une disparition... Celle de Vittoria, pour Ricardo puis pour Piero. Vittoria, personnage lunatique, comme incarnation de la lune qui s'éloigne du soleil, l'homme passionné (c'est mon interprétation en tout cas...)... Antonioni livre finalement un film intelligent, cérébral mais aussi très beau, d'une esthétique époustouflante, toujours filmée et montée avec brio.