La comédie de jeunesse n’est pas un territoire inconnu pour Cédric Klapisch. Il est passé par « Un Péril Jeune » et « Un Air de Famille » avant de nous convier à un banquet multiculturel, sur une toile de fond Barcelonais. Il y aborde le programme ERASMUS comme une campagne de lancement. Il ne traite pas la forme mais s’intéresse au fond. De ce fait, il déclare une sorte de reflet vis-à-vis des relations internationales, au sein d’un groupe d’étudiants au cœur du projet. Du point de vue des francophones, l’Espagnol est une langue forte dans le milieu de la finance et du loisir. La négliger serait un handicap certain dans la mobilité de certains. Mais au-delà l’aspect communicatif, on y dépeint la fresque d’un apprentissage, à la fois culturel et à la fois moral. La jeunesse, encore plus forte, revendique sa liberté, sa condition de vie et son art de vivre. On notera que chaque personnage évoque un trouble de la responsabilité, celle de soi ou bien celle des autres, d’où l’étude humaine annoncée lors de ce voyage de luxe.
Aux côtés du jeune Xavier (Romain Duris), on (re)découvre le sentiment d’apprentissage dans la fosse à autonomie. Seul, il entreprend un parcours l’obligeant à prendre des initiatives. Il commet des erreurs mais s’aligne toujours sur la verticalité de son envie et de ses pulsions, pour enfin de laisse respirer un air frais et libre. On prend notamment conscience de plusieurs faits, donc le rôle et devoir d’une mère possessive, obligeant son fils à s’opposer à ses racines. Il prend également conscience de l’amour et se laisse porter par son instinct plutôt que de recoller avec ses origines. Martine (Audrey Tautou), sa petite amie, correspond la métaphore de la fermière, cloisonnée dans son environnement. Piégée, elle ne se pose pas de questions et se repose sur ce qu’elle a pu obtenir sans le moindre effort ou compromis. Il en va de même lorsque le jeune fait la connaissance d’un couple de français, l’accueillant à son arrivée. La forme de dépendance, encore non négligeable avec sa terre natale, est à l’œuvre et prend tout un sens à ce qui arrive par la suite. On assiste alors à une sorte de révolution, ou encore un appel à l’émancipation que l’on se garde de boucler au terme du choc culturel.
Sept étudiants, sept profils, sept cultures, voilà ce qui donne le ton au récit. Bien que le langage et les manières les distinguent tous, les mœurs les rapprochent par la complexité de leur situation. Chacun est dans cette colocation a dans l’objectif de se découvrir et de découvrir le sens de la vie. Ils se présentent d’abord via des stéréotypes nationaux, mais le réalisateur ne sombre jamais dans le cliché à l’égard de ses personnages construits. Il est rare de voir une telle habilité dans la gestion d’un casting conséquent, et pourtant, aucun n’est mis à l’écart. On l’hésite pas non plus à faire de apparitions redondantes afin d’appuyer une situation, sans forcément troubler l’ordre des choses. Le questionnement sur l’identité nationale et culturelle devient alors tout l’enjeu de l’intrigue. Alors que Xavier observe, avec attention, les conflits autour de lui, il déploie toute la fougue et la sagesse qui mène l’enfant à sa croissance ultime, celle qui conduit à la maturité.
Quant à l’émancipation, il est difficile de l’accepter, même de la part d’une femme qui a plus d’expérience et qui a vécu plus de choses. Malgré tout, il restera toujours cette étincelle de folie qui nous rajeunira et nous fera trembler dans un bain nostalgique. Au final, « L’Auberge Espagnole » constitue un environnement de cohabitation divertissant, qui présente néanmoins des failles. Il en résulte ainsi des pistes sur une éventuelle entente entre les nations européennes afin de mieux appréhender les désirs de chacun. Tout est en route vers un monde mature, où les personnages l’apprennent à leur dépend. La comédie touche au but et conduit à l’aboutissement de la raison.