L'histoire de ce film aurait pu être traitée à la façon d'un mélodrame avec toutes les connotations péjoratives de ce mot, c'est-à-dire en appuyant sur les effets faciles pour susciter l'apitoiement du spectateur. Or, il n'en est rien. C'est même l'inverse qui se produit tant le réalisateur du film montre un réel respect pour ses personnages, les présentant, hors de tout manichéisme, tels qu'ils sont, avec leurs qualités et leurs défauts, s'affrontant dans des scènes d'une rare intensité.
Dans un Sud des Etats-Unis, ô combien typique par son conservatisme, nous assistons aux destins croisés de deux familles, l'une blanche, l'autre noire : d'un côté, trois générations de Blancs : le grand-père (Buck), son fils (Hank) lui-même père de Sonny, tous trois gardiens de prison et qui ne communiquent pas entre eux ; de l'autre, un père noir, condamné à mort et sur le point d'être exécuté, va laisser sa femme élever seule son fils obèse. On saisit très vite l'insensibilité et le racisme d'un grand- père qui a façonné son fils à son image et qui refuse tout dialogue avec les Noirs, à la différence de son petit-fils sensible et généreux.
Les malheurs de la vie vont rapprocher Leticia et Hank provoquant chez ce dernier un brutal éveil à une sensibilité que son propre père - qui en fera les frais - avait réprimée par une éducation rigide. La métaphore est claire : à travers ces destins croisés, le réalisateur – européen - Marc Forster évoque l'évolution des mentalités aux Etats-Unis : on passe des préjugés et du rigorisme du grand-père au point de vue sensible et généreux du petit-fils qui favorise la prise de conscience du père et son évolution vers plus d'humanité et de générosité. La fin est aux antipodes des vieux démons que le grand-père incarne au début et le film retrace ainsi, symboliquement, l'évolution des consciences depuis trois générations : l'Amérique blanche et l'Amérique noire peuvent désormais s'aimer.
Ce film profondément chaleureux nous propose une leçon d'humanisme et dispense, au-delà des préjugés, des erreurs et des remords, un magnifique message d'espoir à travers une histoire filmée avec tact et pudeur. On se dit qu'en décernant l'Oscar de la Meilleure Actrice à Halle Berry pour son rôle dans le film, le cinéma américain a fait sien le message du film. Pour conclure, il est à noter que ce film, empreint de dignité et de générosité, nous offre l'une des plus belles et naturelles scènes d'amour physique de l'histoire du cinéma : merveilleuse de naturel, de vérité et d'émotion, elle condense à elle seule tout le propos du film. Magnifique !