Guillermo Del Toro est un réalisateur pour lequel j'ai une grande affection, et "L'échine du diable" est un film important dans la filmographie du cinéaste mexicain. Toutefois, son importance est plus rétrospective que qualitative.
En effet, avec ce long-métrage Del Toro pose les bases d'un univers qu'il développera plus tard dans le reste de sa carrière. On retrouve ainsi de nombreux motifs systématiques du cinéaste : la voix-off ouvrant le récit de la même manière qu'une fable, le fantastique s'introduisant dans le réel, la question de la croyance ou encore celle de l'enfance. Le parallèle le plus frappant étant avec "Le labyrinthe de Pan", dont les similitudes vont même jusqu'au contexte politique de l'Espagne durant Franco.
Cependant, et cela est étrange étant donné qu'il s'agit de son troisième long-métrage, "L'échine du diable" souffre de tout les défauts du premier film. Del Toro semble en effet avoir tout les éléments en main afin d'offrir un film fantastique marquant, mais ne possède pas encore, et cela avec évidence, la maitrise de ses oeuvres suivantes. Néanmoins, et malgré que le film se rate sur d'autres aspects, le cinéaste démontre toute ses qualités de metteur en scène, offrant des mouvements de caméras très élégants et jouant habillements avec la lente découverte de chaque décor et de ce qu'il pourrait, potentiellement, s'y passer, économisant ses effets horrifiques, au profit d'une tension de l'image bien plus tétanisante avant des les mettre à profit là où ils seront les plus pertinents, bien que l'on évite pas le jumpscare de la serrure, profondément risible et attendu.
Et c'est là tout le problème de ce long-métrage, son écriture se révèle fade. Et bien que le classicisme du récit ne soit pas un problème, "Les autres" de Amenábar le prouvait d'ailleurs la même année, le film ne tente jamais réellement de surprendre, tout est très attendu et les personnages finissent par ne se définir que par leur archétype respectif. L'écriture du film se voudrait subtile et nuancée, mais n'est que lourde et évidente. De la même manière, le contexte politique finit, tout comme fantôme, par ne devenir qu'un point de détail, plutôt qu'un élément décisif et pertinent.
Avec "L'échine du diable" Guillermo Del Toro offre une oeuvre dont le visionnage est une obligation, ne serait-ce que pour comprendre les obsessions du cinéaste mexicain. Le long-métrage reste cependant d'une grande richesse, que ce soit thématique ou visuelle,, malheureusement exploitée avec très peu de maitrise. Une oeuvre plus annonciatrice que pertinente, qui mérite toutefois le visionnage, ne serait-ce que pour le talent pictural absolument stupéfiant qui est effectué.