Carambolages est une comédie bien efficace, dont ma note, un peu restreinte par rapport à l’enthousiasme qu’elle peut susciter, tient à une erreur scénaristique non négligeable. En effet, et en dépit de ses bonnes intentions de comédie noire, l’essentiel des morts est concentré en 20 minutes de film environ, à la fin. Du coup, pendant environ 1 heure, le réalisateur nous présente surtout une comédie caustique sur le monde du travail, mais n’introduit l’élément principal de son film sur le tard, pour ainsi dire, trop tard, même si finalement on ne s’ennuie pas du tout tout au long du métrage. Porté par un rythme nerveux, par des numéros d’acteurs savoureux, par un regard qui reste d’une étonnante modernité sur le travail, l’arrivisme… Carambolages est une comédie moderne, dynamique, divertissante à souhait, et qui se termine donc dans un jeu de massacre assez abrupt, et qui aurait mérité d’être bien plus développé tout au long du film.
Ce principal problème est néanmoins compensé en partie par de bons aspects. D’abord le casting est excellent. De Funès plus calme que de coutume est très bon, et fait face à un Brialy parfait un jeune loup aux dents longues. Solide duo principal, rejoint par une Sophie Daumier absolument charmante en jolie écervelée par si bête que cela ; par une Anne Tonietti piquante et par un Michel Serrault qui s’amuse comme un petit fou dans un rôle où l’on sent aussi la patte communiste engagée du réalisateur ! De bons seconds rôles moins connus aussi, la galerie d’acteurs et de personnages est l’atout de ce film qui reste sur un concept d’huis-clos assez théâtral, et pour lequel il fallait donc des interprètes de premier plan.
Pour le reste, Carambolages s’appuie sur une réalisation plutôt attractive de Bluwal qui sert quelques plans originaux (plongées, contre-plongée notamment), et visuellement c’est loin d’être dans la moyenne basse du genre à l’époque. Le noir est blanc est de qualité. Bien sûr les décors sont limités, puisqu’on évolue dans un huis-clos, mais enfin, rien de critiquable. A souligner aussi, et là encore ce n’est pas rien dans le cinéma du temps, une bande son vraiment original et qui retient l’attention.
Finalement, Carambolages est une très bonne comédie, dont le seul vrai défaut je le dis est d’avoir bâti un scénario assez maladroit. Le réalisateur engagé, semble avoir finalement davantage voulu délivrer ses messages, sur le ton de l’humour caustique, et ce n’est pas déplaisant car bien fait, que d’avoir voulu se concentrer sur l’aspect comédie policière. Il en résulte une certaine inégalité de traitement, qui ne nuit cependant pas significativement au plaisir qu’on peut prendre devant ce film. 4