Avec « Spinal Tap », « Garçon choc pour nana chic » et surtout « Stand By Me », Rob Reiner a continué de marquer son empreinte dans les années 80 et prolonge son cinéma à une jeunesse en proie à la dureté de la vie. La mort et la nostalgie imposaient le rythme de son dernier succès, tout en proposant un tremplin exceptionnel pour le réalisateur en quête d’un nouveau conte pour séduire son public rêveur ou simplement conditionné à une culture grandissante du numérique. On préfère tout de même l’insinuer discrètement au nom des jeux vidéo, super-héros et autres super-idoles de l’époque. Le fond réside dans les détails de narration, apportant des nuances au même titre que les italiens se sont approprier le western. Mais l’auteur et scénariste, William Goldman, opte pour une approche parodique, pour ne pas dire absurde, car c’est ce qui donne du charme à cette aventure à la fois épique et romantique.
Le détournement est donc à l’œuvre dans une intrigue qui file droit et qui n’emprunte pas le chemin le plus court afin de mieux explorer les subtilités d’un conte. Une princesse à sauver, un amour perdu, de la vengeance, etc. Le film compte déjà les ingrédients qui se greffent à la veine des histoires enchantées et désenchantées. Mel Brooks l’avait déjà tenté et il y a trouvé de l’enthousiasme en plus du succès. Le choix de Peter Falk pour encadrer la narration n’a donc rien d’aléatoire. A la manière de « Columbo », celui qui incarne le grand-père d’un enfant sensible est aussi rusé qu’habile pour maintenir notre attention au chaud. Nous découvrons ainsi les motivations simplettes de Bouton d’Or (Robin Wright), femme qui fait face à la cruauté d’un monde qui ne peut rester majestueux de bout en bout. Son amour pour Westley (Cary Elwes) démontre justement l’absurdité des coups de foudre sur les écrans et dans certains contes que l’on ne nuance plus, dont on ne prend plus de risques afin de ne pas irriter un lecteur non accompli et peu ouvert d’esprit. Mais c’est justement cette démarche qui a de quoi séduire, car ce dernier se pose des questions de vie, tout comme le jeune enfant malade dans son lit. Et il serait donc bon de connaître l’origine et le symbolisme de cette maladie qui le cloue sur place. A méditer.
On n’échappe donc pas à une intrigue qui zigzag sans arrêt, notamment avec le prestigieux Inigo Montoya (Mandy Patinkin), à l’aise avec le sabre, tandis que les pirates sont bien plus à l’aise avec le lyrisme et les bonnes manières. Le changement de camp ou simplement le changement de main convoquent l’inattendu et donc un plaisir certain à relativiser sur les émotions qui nous ont été proposé avec nostalgie. L’image du géant Fezzik (André Roussimoff) devient alors quelque chose de plus métaphysique dès lors que l’interprète et le personnage ne se confondent pas bien des aspects. Vient alors l’humour au second degré, qui sert magnifiquement un des antagonistes « brutaux », à savoir le comte Rugen (Christopher Guest). Une rapide caractérisation et on zappe les valeurs du guerrier. On pourrait se dire que rien ne va dans l’écriture et ce choix fait pourtant mouche.
Finalement, « The Princess Bride » est un bien film antipodique, un film qui nous tend ce que l’on souhaitera croiser, tout en jouant avec nos attentes. Du duel d’arme fair-play à la conclusion d’un mariage rattrapée, il faudra faire preuve de souplesse pour accepter ce conte qui a conscience de son aspect féérique décalé et qui est conscient de son existence au milieu d’autres œuvres qui ont forgé la culture populaire. Reiner s’attarde pourtant sur le fléau des jeux vidéo, qui brident les émotions fortes et le sens de l’aventure rien qu’en s’impliquant dans le récit. Et quand bien même l’émotion virtuelle existe et évoluera avec justesse et proche de l’influence du 7ème Art, le réalisateur comme l’auteur hurlent haut et fort en quoi l’imaginaire a une grande importance dans notre éducation qui ne finit jamais.