Édouard Molinaro est un réalisateur à la fois très éclectique et très inégal. S'il est plus connu pour ses comédies, notamment avec Louis de Funès (« Oscar », « Hibernatus »), il a commencé sa carrière avec une série de films noirs à la française forts recommandables, se clôturant sur une magistrale adaptation de Simenon « La mort de Belle » avec Jean Desailly.
Réalisé en 1970, « La liberté en croupe » est une bonne pioche dans sa production. Le film est une évocation, en quasi instantané, des évènements de mai 1968, que le cinéaste a à cœur de saisir dans deux de ses dimensions essentielles : révolutionnaire avec la quête de « lendemains qui chantent » marxistes/maoïstes ; contestataire des normes sociales de la société gaulliste de l'époque. Les deux étant difficilement compatibles comme l'apprendra, le personnage principal du film à ses dépens, à l'occasion d'une escapade amoureuse à la campagne, très sensiblement filmée : romance ou éradication de l'ordre capitaliste, il faut choisir.
Le film suit les déambulations d'Albin Carcès (Bernard Le Coq, dans un de ses rares rôles principaux) grand échalas rieur, hédoniste (« Je serai utile quand je serai heureux ») et tête à claques.
Il demande, dans une très belle scène, à ses bourgeois de parents d'être authentiques et de se quitter puisque la passion les a quittée, laissant place à la tendresse (la paresse, corrige Albin). Il se trouvera quelque peu dépité lorsque ces derniers suivront ses conseils au pied de la lettre.
Le père d'Albin est interprété par Michel Serrault, grand industriel,
plus préoccupé par une actrice érotique suédoise que par l'occupation de ses usines et qui se mettra en couple avec une ancienne petite amie de son fils (Marion Game).
Quel plaisir de voir ce grand acteur, dans un rôle enfin à sa mesure, aussi bien dirigé, ici, que lorsqu'il l'était par Claude Sautet. Serrault et Molinaro se retrouveront, plus tard, pour l'adaptation au cinéma de « La cage aux folles ».
Bon, me direz-vous, cela ressemble à du vaudeville, oui peut-être, parfois, mais il y a aussi des scènes dramatiques et un côté documentaire, le tout supérieurement interprété et bénéficiant d'une mise en scène alerte. Le film, comme son titre le laisse supposer, ne prend pas le partie de la révolution qui fait table rase du passé, mais, simplement celui de faire évoluer les mœurs corsetés de la société.
Un film à redécouvrir.