Le regard sur l’adolescence englobe souvent les caricatures les plus redoutées, que ce soit dans un cinéma de genre ou non. Elles semblent plus encore inévitables lorsque l’on se concentre sur le sentiment de rébellion et de colère qui s’en dégage. La réalisatrice Greta Gerwig conduit cette première réalisation en solo derrière la caméra avec beaucoup de rigueur. Native de Sacramento, elle ne projette qu’à moitié son autobiographie. Elle illustre toute une fougue reflouée en la personne de « Lady Bird » McPherson (Saroirse Ronan), jeune adolescente capricieuse. Elle parle au nom des jeunes filles en général, c’est pourquoi les protagonistes prépondérants sont féminins. La marche vers le féminisme passe alors par une forme d’indépendance, mais qui s’affirme sur tous les fronts, sans se soucier de la raison. Vivre est une expérience louable pour une jeune fille en quête du bonheur, mais que devrait-on faire si elle ne parvient ni à le jauger, ni à l’identifier ?
On sent comme une sorte de naïveté, parfois touchante et parfois grossière, chez l’adolescente. Cependant, il faut reconsidérer le contexte post « 11 septembre » pour comprendre qu’un fantasme peut aisément se briser et s’effondrer. Du moins, c’est le contexte choisi avant que l’avènement de la technologie vienne réécrire la conception des interactions humaines chez les jeunes. Tout le récit se concentre sur la révolte de Lady Bird, revendiquant son identité, ses droits, son succès et ses responsabilités, par le biais de ce titre qu’elle s’autoattribue. Il ne s’agit que d’un masque qui la protège de la modernité d’un monde qui se referme sur son mal-être. Ce qui tend à s’effriter au fur et à mesure qu’elle découvre la vie, ses avantages et ses problématiques. Le compromis est quelque chose qui la guette rapidement, mais dont elle ne saura pas en étudier les nuances. Le spectateur aura, lui, tout à son honneur de mettre son jugement de côté afin d’établir le recul nécessaire à la lecture d’une vie très chaotique.
Finalement, la jeune Christine s’installe dans un conflit qu’elle ne maîtrise pas. Son ambition et son égoïsme l’aveuglent et la raison lui échappe souvent. Elle finit tout de même par déguster une étincelle positive où la vie lui sourit et où elle n’exprime pas sa colère pour répondre. On peut l’apercevoir à travers les relations qu’elle a avec son père ou sa camarade de classe Julie. Elle livre un beau combat contre tout et livre une prestation qui ne passe pas inaperçue.
Fraichement sortie de son cocon, on pourrait comparer sa situation comme la crise d’adolescence que l’on retrouve de nos jours. D’une part, cela revient à remettre en cause l’éducation qu’il y a derrière. Sa mère donne tout pour que sa fille prospère et hérite d’une vie saine et sans reproche. Or, comme sa propre fille, elle ne possède pas le recul qui lui permettra de se rapprocher d’elle. Il existera toujours un fossé entre ces deux êtres qui s’aiment, sans qu’ils puissent s’avouer leur véritable sentiment. Le mélimélo dramatique porte la robe de l’authenticité et c’est évidemment ce qui séduit alors que l’œuvre ne propose pas tant d’originalité.
L’intrigue se voit banalisée par ses situations tanto burlesque, tanto mécanique et l’on ne sait jamais comment interpréter le discours que siffle sans cesse cette Lady Bird, impatiente et instable. On ne s’attarde jamais sur les détails de l’univers qui entoure l’héroïne. En revanche, on préfère se pencher sur les interactions qu’elle a avec son entourage. La relation mère-fille prend une grande place dans l’interprétation du film, mais c’est voir la jeune fille livrée au rodéo de la vie qu’on prend plaisir à suivre ses dérapages. Ainsi, « Lady Bird » est une tendre métaphore d’une jeunesse rebelle est une fatalité qui supplante tout l’art de vivre et d’éduquer chez soi. Or, l’œuvre ne s’arrête pas à la complexité de la condition parentale. Elle met en avant les possibilités et les erreurs rencontrées, au mépris des risques et de la solidarité qui flirtent avec le rêve.