La réussite alchimique de «Paria» (France, 2000) de Nicolas Klotz tient à ce que malgré son désengagement total sur la rigueur formelle, le film réussit à passionner et à croquer une réalité et des personnages d’une généreuse ampleur. Depuis «La nuit Bengali», scénario de Jean-Claude Carrière d’après un roman de Mircea Eliade avec Hugh Grant en acteur principal, Klotz a accomplit un remarquable revirement dans son œuvre, minorant les effets et l’esthétique au profit d’un cinéma qui s’apprécie mieux par sa juste économie. Exit les mouvements de grue et les travellings en steadycam hésitants qui faisaient maladroitement image dans «La nuit sacrée» (France/Maroc, 1993), Klotz fait le choix d’une caméra légère, premier avatar des petites numériques ayant depuis fait florès dans le cinéma amateur. Le type de filmage et de prise de son, avec ce que cela comporte de contrejour et de saturations sonores, livre la matière brut du réel que le filme capte, indécis entre la fiction et le documentaire. L’œuvre est brute sans être brutale, rude comme la vie à la rue, sincère et direct comme les natures que forge la vie sans domicile fixe. De ce regard brut, Klotz organise les personnages du film, tous écrits avec une forte générosité par Elisabeth Perceval. A travers des histoires filiales, d’amour et d’amitié «Paria» dresse le portrait d’une communauté parisienne excentrée. La belle éthique du cinéaste, contrairement à l’excentricité spectaculaire d’un Leos Carax, provient de son choix de ne pas prêter à ses personnages ni l’image que les médias de la communication leur alloue d’accoutumé ni la figure misérabiliste qui menace d’un écueil un tel film. Filmant des êtres marginaux, Klotz opte pour une mise en scène marginale, issue des libertés déployées à la fin des années 90 par le Dogme 95. Il n’y a, peut-être, que la structure dramatique de Perceval qui tient du commun, mais c’est pour mieux situer cette marge dans une orbite centrale qu’elle est en droit d’occuper.