Un policier américain est contraint de se réfugier dans une communauté amish afin de mener à bien son enquête. Ce film, vieux d'à peine 30 ans, constitue une sorte de point de non-retour dans la carrière de l'australien Peter Weir, point à partir duquel l'âme et la vision du cinéaste disparaitront pour laisser place progressivement à de l'habileté, voire à de l'efficacité de plus en plus roborative (Exemple : "Le cercle des poètes disparus" en 1989 n'est certes pas un mauvais film, mais quel point commun avec le Peter Weir des débuts, celui de "Pique-nique à Hanging Rock" ?). Dans "Witness", le charme opère encore, grâce à des séquence remarquablement filmées : celle de la gare, celle du commissariat, voire celle de la danse dans la grange puis celle de la construction de la charpente. Par intermittence, mais par intermittence seulement, Peter Weir fait ressortir ce qui fait l'essence de son cinéma, à savoir la confrontation et la communion quasi-impossible entre deux mondes, dans le cas présent celui de l'individualisme forcené "à l'américaine", incarné par Harrison Ford (excellent, comme souvent) et la solidarité amish. C'est ainsi qu'on se prend à rêver, comme dans ce plan qui réunit Harrison Ford, vêtu d'habits amish et Kelly McGillis, tenant du bout des doigts le revolver du policier, que Peter Weir aurait pu devenir, par son seul talent et s'il n'avait pas définitivement cédé aux sirènes d'Hollywood, LE cinéaste de l'incommunicabilité. Par cette sorte de "non-retour" qu'il représente dans la carrière du cinéaste, ce film se révèle donc particulièrement intéressant et mérite, malgré de multiples rediffusions, d'être revu aujourd'hui