Un pur moment de grâce
J’avais déjà vu deux films du suisse - eh oui ! -, Lionel Baier, Les Grandes ondes (à l’ouest) et La dérive des continents (au sud). Il avait alors prouvé qu’il ne filme pas les histoires de tout le monde. L’originalité reste de mise dans cette comédie dramatique de 90 minutes qui marque le dernier grand rôle à l’écran de Michel Blanc. Christophe, 9 ans, vit les événements de mai 68, planqué chez ses grands-parents, dans l’appartement familial à Paris, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère. Tous bivouaquent autour d’une mystérieuse cache, qui révèlera peu à peu ses secrets… De l’arrière grand-mère au petit fils, tout ce beau monde vit dans une sorte de folie douce et dysfonctionnelle. Comme ses personnages, le film est déjanté, politiquement incorrect et d’une drôlerie teintée de mélancolie. A découvrir absolument.
Adaptation très libre du roman éponyme de Christophe Boltanski, - Prix Fémina 2015 -, dans lequel l'auteur raconte l’histoire de sa famille sur plus d’un siècle. Le film, lui, choisit de s'attarder sur les événements de Mai 68, alors que dans le livre, cette période ne fait l’objet que d’un demi-paragraphe… C’est vous dire qu’en terme « d’adaptation libre », c’est un must ! Ça nous parle joyeusement de sujets graves comme le rapport aux origines, le besoin de fiction dans la construction de son identité, l’antisémitisme, le non-dit… Lionel Baier a voulu représenter différemment la Shoah au cinéma. Il souligne qu'il ne s'agit pas d'un événement historique figé dans le temps, mais d’un processus qui a commencé en 1933 et qui continue aujourd’hui, que nous le voulions ou non. Il y a du Frank Capra – Vous ne l’emporterez pas avec vous -, dans cette heure et demie passée avec cette famille de doux-dingues, 90 minutes dont on aimerait qu’elles ne s’arrêtent pas. Laissez-vous entraîner dans le tourbillon des Boltanski.
Tout le monde sait et peut vérifier une dernière fois à quel point Michel Blanc était un grand acteur. La dernière image du film, qui est aussi la dernière de son incroyable filmographie, le résume tellement bien : il sifflote du Brahms sur une grande route à côté d’un enfant, lui qui voulait être pianiste classique et qui a été réalisateur et acteur comme Chaplin. Splendide hommage posthume ! A ses côtés, on découvre la formidable Dominique Reymond, une grande actrice de théâtre jusque là cantonnée à des petits rôles au cinéma. Le reste du casting est au diapason du couple central : William Lebghil, Aurélien Gabrielli, Liliane Rovère, Ethan Chimienti… Une fantaisie profonde bourrée de trouvailles visuelles qui a un charme fou.