Le film de Gilles Bourdos est un huis clos en temps réel, avec un seul décor (l’habitacle de la voiture), et un seul personnage pendant 1h15, soit le temps que met le personnage de Joseph Cross pour parcourir la route entre son point de départ (la région de Rouen si j’en crois sa plaque d’immatriculation) et son, point d’arrivée, Paris intra-muros. Gilles Bourdos n’a donc que deux moyens pour capter l’attention du spectateur a partir de ce cahier des charges minimaliste : la qualité d’acteur de Vincent Lindon et le rythme de la dramaturgie que le scénario imprime au fil des coups de téléphones qui s’enchainent. J’ai cru comprendre que ce film était le remake d’un film de 2013 avec Tom Hardy « Locke », un film passé totalement sous mes radars. Peu de décor donc, peu de musique, aucun artifice ne vient enjoliver le film qui doit donc maintenir le spectateur sous tension juste avec des coups de téléphones. C’est un pari technique assez risqué que de présenter un film très court sans coups de théâtre, sans véritable casting, sans rien d’autre que du dialogue. Vincent Lindon, dont le charisme et le talent ne sont plus à démontrer, tient donc seul le film sur ses épaules, entre monologues et conversations téléphoniques. Je ne sais pas si le film aurait fonctionné avec un acteur qui n’aurait pas la force dramatique d’un Vincent Lindon, parce qu’il faut être très fort et sur de son coup pour accepter un scénario de ce type. Au bout du fil, il converse avec sa femme (Emmanuelle Devos) et ses fils, mais aussi avec une autre femme (Pascale Arbillot) et deux collègues (Micha Lescot et Gregory Gadebois). Pourquoi cet homme heureux en ménage, père de deux garçons, en pleine réussite professionnel, quitte tout et risque de tout perdre pour foncer vers Paris ?
Le scénario ne laisse pas longtemps le spectateur dans l’expectative. Non, il ne s’agit pas d’une question de vie ou de mort : il s’agit de faire ce qui est juste par rapport à ce qui est lâche.
On sent que le personnage de Joseph n’est pas un héros ou un homme exemplaire sur le plan personnel, loin de là,
il a menti, il a été lâche mais ce soir là, il décide de ne plus l’être.
Il a tout à perdre et pourtant il assume enfin ses erreurs.
Il y a quelque chose d’assez noble dans cette attitude certes tardive et ultra risquée, mais il choisi enfin de choisir entre le Bien et le Mal, entre le courage et la lâcheté quitte à en payer le prix. Cette dramaturgie personnelle aurait pu se suffire à elle-même mais des responsabilités professionnelles énormes viennent tout compliquer.
Il aurait du superviser un énorme coulage de béton le lendemain sur le chantier d’une tour gigantesque et il n’y sera pas. Au téléphone, son second panique, les problèmes administratifs et techniques se multiplient, et lui essaie tout en conduisant de tout régler. Comme il n’a visiblement jamais réussi à réellement déléguer dans le cadre professionnel, son absence est une catastrophe pour le projet.
Là encore, il comprend tardivement qu’il ne faut pas, dans la sphère professionnelle, tout vouloir toujours tout gérer seul. Ce soir là, au volant de sa voiture, Joseph Cross comprends tardivement surement beaucoup de choses. Le pari du film est réussi parce que le film est court, en temps réel, incarné dans tous les sens du terme par un comédien formidable. Mais je ne sais pas si tout le monde y trouvera son compte, sur le fond et dans la forme, « Le Choix » est minimaliste et déroutant. On a presque l’impression d’assister à un exercice de style, un film concept. On ne s’ennuie pas (en 1h15 quand même !), on ne décroche pas mais quand la lumière se rallume dans la salle, on est un peu déconcerté par ce qu’on vient de voir : une performance d’acteur certes, mais au service d’un scénario au final assez léger.