Henry Hataway est un réalisateur dont le nom s'est relativement bien inscrit dans ma petite mémoire parce qu'il a activement pris part à l'élaboration de cette grande fresque qu'est la Conquête de l'Ouest. Son Nevada Smtih fait partie des clous de sa collection d'une soixantaine de films, rien que ça, avec peu de chef d’œuvres voire pas du tout selon certains critiques, même si Patrick Brion et Bertrand Tavernier ont vigoureusement défendus son travail. Nevada Smith sort en 1966, après l'avènement du western spaghettis et l'extinction du western classique, donc dans un contexte où il est difficile de surnager au dessus de tout ce fatras d'histoire de vengeance qui abondent. Depuis plusieurs décennies ce thème est l'un des plus primordiaux du western, c'est un filon qui semble totalement épuisé. Oui, sauf que si c'est toujours plus ou moins la même chose, vue sous des centaines d'angles différents, on ne s'en lasse pas tant qu'un brin d'air de nouveauté rafraîchissante plane dessus. Nevada Smith n'a pas un scénario original, mais il se pose en tant que mixture entre western classique mais sale, rude et sec, et film d'aventure. C'est ce qui fait principalement son charme, ajouté à la fantastique musique d'Alfred Newman (un main title vraiment ébouriffant!). Et puis, il y a Steve McQueen. Moins touchant, moins génial que dans Tom Horn, mais c'est McQueen quand même, et sa prestation force le respect. Il construit un personnage qui, sous de faux-airs de justice, est dévoré par la vengeance. Fils de fermier, Max n'est pas très malin, et tout ce qu'il fait d'intelligent est en rapport avec son désir de réparation. La vengeance lui donne des ailes, si on puis dire, et à la fin du film il se montre (relativement) à la hauteur, pour franchir un cap. Il n'atteindra jamais le niveau du prêtre qu'il rencontre à la fin où de son mentor. Mais il a réussi à tirer une leçon de son périple. Un poil trop tard, car son dernier acte d'apprentissage reste d'une cruauté cynique monstre. Profitons en pour remarquer que le film ne fait pas dans la dentelle, c'est presque choquant de voir une indienne se faire ouvrir le dos dans un « gentil » western américain. Quoiqu'il en soit, Nevada Smith est psychologiquement intéressant. Quant au divertissement formel qu'il procure, il vaut son pesant d'or : les paysages sont magnifique (on entend souvent ça dans les critiques de western, mais là c'est le top du top...on vogue d'un désert à cactus vers un marécage labyrinthique en passant par des montagnes enneigés), la caméra filme avec un talent évident. Il y a de l'action en quantité, un rythme assez rapide malgré des pauses un peu trop molles. Bref, Nevada Smith est très agréable, je l'adore malgré ses défauts car il fait partie des films un poil plus spécial que les autres représentants de son genre pour qu'il captive.