Pour toutes les Nevenka du monde
En 2010, la cinéaste espagnole Icíar Bollaín m’avait bouleversé avec Même la pluie. Depuis, bien d’autres films ont suivi dont l’excellent Mariage de Rosa en 2020. À la fin des années 90, Nevenka Fernández, est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez. C’est le début d’une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s’en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès. Ces 117 minutes – qu’on ne voit pas passer -, sont une véritable claque qui devrait inspirer à la fois les femmes et les hommes face au fléau du machisme et du harcèlement sexuel. Formidablement édifiant.
Une page d’histoire. Nevenka Fernandez, est une des premières femmes à avoir dénoncé publiquement un puissant homme politique qui l'a agressé sexuellement dans les années 1990. Le tableau de la société espagnole de l’époque est loin d’être flatteur, en particulier le manque d’empathie de la population à l’égard de la victime, contrairement à l’ère post #MeToo. Le fait que la réalisatrice n’ait pas choisi la forme du documentaire nous permet de vivre l'histoire avec Nevenka, de ressentir sa terreur et son angoisse, à mesure qu'elle s'enfonce dans l'abus et qu'elle s'en libère, selon ses propos. Mais le travail d’écriture est semblable à celui d’un documentaire puisque les scénaristes ont rencontré à plusieurs reprises Nevenka, mais aussi ses amis, son psychologue de l’époque, son avocat et son compagnon, qui est devenu plus tard son mari. De plus, dans un souci de réalisme extrême, les deux femmes sont allées à Ponferrada où se sont déroulés les événements, afin d’interroger des fonctionnaires qui avaient travaillé avec elle, mais aussi des journalistes de l’époque. Enfin, elles ont eu accès à tous les documents du procès, ce qui a permis de rendre fidèlement compte des différentes plaidoiries, et de les retranscrire avec exactitude. Ne ratez pas ce film, un exemple de travail et de réussite dans ce genre de film dossier. Poignant et brillant.
C’est un 1er film pour Mireia Oriol et elle est absolument formidable ? Une véritable découverte. Face à elle il y a l’excellent Urko Olazabal, qui assume avec talent le rôle de celui qu’on adore détester. Ajoutons à ce casting les noms de Ricardo Gómez et Carlos Serrano. Ce n’est pas un hasard si Icíar Bollaín s’est emparée de cette affaire pour la transposer à l’écran, puisqu’elle est très investie dans la défense du droit des femmes, y compris dans le cinéma. Sa filmographie est d’ailleurs imprégnée de la question du sexisme ou de l’emprise. Elle a également fondé la CIMA en Espagne, l’Association des femmes du cinéma, de l’audiovisuel et des médias, afin de les encadrer contre toutes dérives et discriminations. Une cinéaste engagée pour un film qui ne l’est pas moins. Implacable, glaçant et d’utilité publique.