"Deuxième Acte", le dernier film de Quentin Duprieux, présenté en ouverture du Festival de Cannes 2024, est une œuvre complexe et audacieuse. Ce film, véritable mise en abyme, explore les strates multiples de la création cinématographique. Les acteurs y jouent un film
, discutent de ce tournage qui, lui-même, est un tournage
. Cette triple imbrication interroge sur la nature du jeu d'acteur, la production et la réalisation d'un film, mettant en lumière les aspects profondément humains de ce processus, en contraste avec l'essor de l'intelligence artificielle dans le cinéma.
Duprieux poursuit ici les thèmes abordés dans "Yannick", son film précédent. Il questionne ce qu'est l'acteur, ce que signifie participer à un film, et l'impact personnel d'un tel engagement. Le film met en évidence la réalité des relations entre les acteurs, leurs sacrifices personnels et professionnels, et les nuances de leur interaction sur le plateau.
Les plus : une promesse de renouveau :
"Deuxième Acte" incarne une promesse : celle que le cinéma peut encore évoluer, surprendre et transporter des messages en phase avec notre époque. Le film se distingue par son approche humaine et sa réalisation innovante. La caméra, souvent placée à hauteur d'homme, voire plus bas, crée une intimité particulière avec les personnages. Les jeux de travelling et les longs plans-séquences immersifs permettent de ressentir les hésitations et les émotions des acteurs de manière palpable.
Le film se distingue par un rythme soutenu et une durée courte, évitant ainsi les longueurs inutiles. Il véhicule des messages politiques sur le cinéma, sans tomber dans la lourdeur, laissant au spectateur le soin de les interpréter. Le casting, bien que surprenant de premier abord autour de cette table de restaurant aux allures de guiguette perdue sur une route du Nevada, convainc par la qualité de son jeu et la symbiose qui s'en dégage.
Les moins : le nombrilisme
Cependant, "Deuxième Acte" souffre de son introspection excessive qui en devient fausse. Destiné à ouvrir le Festival de Cannes, le film semble avant tout fait pour les acteurs et les initiés du milieu cinématographique. Il explore les anecdotes de tournage, les doutes et les difficultés des acteurs, mais cette approche risque d'en laisser plus d'un indifférent. Le film semble davantage une justification personnelle du réalisateur qu'une œuvre destinée à apprendre ou à émouvoir un large public.
Le traitement du rôle de l'acteur dans la société actuelle reste superficiel, limité à quelques banalités,
comme une tirade sur les musiciens du Titanic jouant jusqu'à la fin
, appliquée aux acteurs. Cette analogie, bien que pertinente, paraît simpliste et n'exploite pas pleinement le potentiel du sujet. Les gags et répliques, parfois lourds et répétitifs, manquent de cohésion, contribuant à un sentiment d'inachèvement.
"Deuxième Acte" donne l'impression d'être une ébauche plutôt qu'un film abouti. Le spectateur en ressort diverti mais perplexe, incapable de saisir pleinement le message du film. Cette œuvre semble réservée aux acteurs eux-mêmes, une exploration intime de leur monde que le public peine à appréhender.