Si vous avez pour habitude de lire mes critiques, vous savez à quel point j’aime le réalisateur Quentin Dupieux et combien sa filmographie si atypique me touche. Quand j’ai su que son nouveau film était à l’ouverture du Festival de Cannes et qu’il sortait en salle par la même occasion, je me suis réjoui de voir son cinéma continuer de prendre de l’ampleur, moi qui ait toujours défendu ses œuvres. Mais je dois bien l’avouer, malgré mon enthousiasme, c’est la première fois que je ressors déçu d’un Dupieux. Une fois encore, la communication autour du film ne pouvait que me donner envie : un synopsis évasif avec lequel on ne sait pas à quoi s’attendre, une affiche dont l’incongruité donne envie, une bande annonce émancipée des codes habituels qui excite et la certitude qu’encore une fois, il viserait juste. « Le deuxième acte », c’est l’histoire de quatre personnages qui déjeunent ensemble dans un restaurant perdu. Florence souhaite présenter son compagnon David à son père Guillaume tandis que David n’aime pas Florence et préféré la laisser à son ami Willy. On se rend vite compte que ce qui se passe n’est en fait pas si réel qu’on le croit et qu’une mise en abyme bien huilée se cache derrière. Le film débute avec une scène de travelling qui nous plonge immédiatement dans l’univers de Dupieux car elle brille par son audace. Et pour cause, elle dure très longtemps sans jamais que le plan séquence en mouvement constant ne perde du naturel. C’est un procédé très orignal qui attise la curiosité dès le début et qui revient à plusieurs reprises dans le film. Malgré cela, j’ai eu beaucoup de mal avec cette nouvelle réalisation. J’ai trouvé qu’elle traînait affreusement en longueur, se complaisant dans des dialogues discutables sans histoire à l’horizon. J’ai regardé ma montre à plusieurs reprises, m’effarant de voir un film aussi court (jamais plus d’1h20 pour Dupieux), sembler aussi long. Le démarrage est difficile et aucun des rebondissements n’est suffisamment puissant pour produire un effet de surprise. Cela est surtout valable pour la première moitié du film. Je me souviens avoir dit à la personne qui a eu la gentillesse de m’accompagner pour découvrir le cinéma de Quentin Dupieux que j’aime tant : « C’est la première fois que je n’aime pas un Dupieux ». Avec du recul et en ayant pris connaissance de la fin, je ne suis plus aussi catégorique. Je ne sais pas dire si j’ai aimé ou non. C’est une découverte très contrastée qui, après réflexion, est remplie de choses géniales, mais qui, sur le moment, m’a souvent déplue (d’autant plus qu’elle arrive après « Daaaaaali ! » que j’avais qualifié de chef-d’œuvre). Néanmoins, il possède une force inébranlable : c’est une satire (parfois agressive) du cinéma et de la société. Celui qui se faisait appeler Mr. Oizo durant sa carrière musicale dit souvent ne pas vouloir faire passer de messages mais force est de constater qu’il ne lésine pas avec ça dans cette comédie (que j’aurais à titre personnel qualifiée de drame, les sujets abordés sont durs et ont été loins de me donner l’envie de m’esclaffer). Là où le film fait son effet, c’est lorsqu’il s’attaque aux problématiques qui entourent l’industrie cinématographique et le monde actuel en pointant du doigt, avec des scènes très brutales, le handicap, l’orientation sexuelle, la drogue dans le showbiz, l’intelligence artificielle, les agressions sexuelles ou le harcèlement. Il faut voir ces scènes pour comprendre à quel point elles sont fortes car elles agissent en coup de poing sans aucune violence apparente. La manière dont elles sont présentées est même plutôt douce, renforçant ce sentiment de malaise, et parfois de culpabilité. Les acteurs sont tous très bons, félicitations à Manuel Guillot, le moins connu de la distribution qui brille par son interprétation. Le film ne laisse assurément pas indifférent et on a parfois l’impression que notre salle est projetée sur l’écran, inversant les rôles et nous questionnant sur la notion de réalité et de fiction. Enfin ma mention spéciale ira cette-fois à la scène de fin, un long plan étrange que je ne révèlerai pas, qui ne peut pas mieux clore ce film et qui montre encore à quel point Quentin Dupieux est fort pour lier tout ce qui se passe dans son film, c’est du génie.