La mise en abyme de la mise en abyme.
Florence veut présenter David, l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume. Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy. Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part. Pour un film de Quentin Dupieux, on peut dire que ce pitch est étonnement long… Mais tellement trompeur ! Si vous vous attendez à une romance, c’est raté ! D’ailleurs peut-on vraiment s’attendre à quelque chose quand ce réalisateur hors norme écrit et se met derrière la caméra ? Non ! Et c’est la seule assurance que l’on a. Pour certains, c’est du grand n’importe quoi, pour d’autres – dont je fais partie – ça frise le génie avec ce qu’il faut d’humour décalé et d’insolence. Quel chemin parcouru depuis son Rubber de 2010 !
De longues années de mépris de la critique et d’indifférence du public pour ce cinéma qu’on qualifiera de… différent. On ne peut que constater qu’à chacun de ses films, Dupieux défraye la chronique et déchaîne les passions. Les pours et les contres s’affrontent. Force est de constater qu’aujourd’hui, ce film qui constitue une formidable réflexion sur le métier d’acteur et sur le petit monde du 7ème Art, fait l’ouverture du Festival de Cannes… ce n’est pas rien. Au rythme plus que soutenu de quasiment 3 films par an, il met en place une œuvre déjantée qui ne ressemble à rien… d’autre. Avec un minimum de moyens, une durée de tournage dérisoire – ici 12 jours -, des durées de films faméliques dans le ciné d’aujourd’hui – 80 minutes pour cet opus -, mais des idées à n’en plus pouvoir et un culot incommensurable, Dupieux prouve que le génie n’est jamais très loin de la folie. Je n’en dirais pas plus sur ce deuxième acte, car c’est totalement impossible à raconter
Les comédiens et les comédiennes se battent pour tourner avec Dupieux. A chaque fois, il réussit à réunir des castings à faire pâlir ses collègues. Ici, on peut lire à l’affiche les noms de Vincent Lindon, Léa Seydoux, Louis Garrel et Raphaël Quenard, auxquels il faut ajouter celui d’un petit nouveau, Manuel Guillot… et tous ensemble ils participent avec une gourmandise à un torpillage en règle du star-système. Mais au passage, le film n’oublie pas de questionner le pouvoir du cinéma sur le réel. Tout est passé à la moulinette façon Dupieux : la désaffection des salles, l'arrivée de l'intelligence artificielle, l'ego surdimensionné des stars, la puissance de certains acteurs même en période post #MeToo, l'entre-soi, le rêve de Hollywood... Ludique et lucide. Un must !