J'ai bien aimé Le Petit Soldat. Déjà j'ai apprécié de voir Godard réaliser un film politique sans prendre parti. Situant son action à Genève alors que la guerre d'Algérie bat toujours son plein est en soi une idée intéressant. La Suisse, pays neutre, étant le lieu propice aux croisements entre agents secrets de tous horizons. On y suit le parcours d'un déserteur français, Bruno Forestier, devant assassiner un journaliste pour le compte du groupuscule d'extrême-droite qu'il a intégré.
J'ai aimé ce personnage désabusé, dépassé par les enjeux qui l'écrasent et parfois contradictoire avec les idéaux qu'il épouse à première vue. J'aime voir ce genre de personnages torturés au cinéma. Puis ce film regorge d'idées, rien que le pari sur Karina au début est géniale. Pour autant je trouve que le film contient des instants relativement plats même si les fulgurances sont légions et que le propos est juste. L'ennui, comme souvent chez Godard, ce sont les références qui tombent comme un cheveu sur la soupe. La scène dans la voiture où le mec menace Forestier avant de lui lire le passage d'un livre, par exemple ça ne passe pas. Ca sonne faux. Ca casse l'aspect réaliste du film. Car oui, Godard confère une sacrée dose de réalisme dans Le petit soldat. La guerre d'Algérie en fond, il peint ici une horreur présente dans les 2 camps. L'atmosphère du film est assez étouffante, limite inquiétante. Et à la manière d'un Alphaville on semble retrouver des personnages qui perdent la foi en l'humanité, le tout dans une ambiance oppressante. Les séquences de torture sont impressionnantes, glaciales et psychologiquement bien violentes.
Techniquement le film est sobre, la photo de Coutard tient une place à part entière dans cette montée en tension. La mise en scène est plutôt admirable, même si Godard se moquait un peu de faire du beau, je trouve que visuellement le film est réussi. Le film est bien écrit, les dialogues valent le détour. J'ai aimé le discours de Forestier sur le cinéma et les acteurs, quelque part on ne s'attend absolument pas à entendre ça dans un film et j'ai aimé cette originalité, cette réflexion. Le monologue sur la fin concernant le nationalisme je suis un peu moins d'accord, mais le plan-séquence et les regards-caméra ça en jette quand même un max. Je semble assez élogieux à première vue mais j'ai trouvé le résultat un peu bancal. Je ne sais pas, je trouve que ça manque d'un truc. Autant le traitement de la violence est superbe et bien pensé, autant j'ai trouvé le propos de départ juste mais mince. Je ne suis pas fan de l'emploi de la voix-off, concise et qui n'apporte pas grand chose.
Reste un film intelligent, bien mené, mais qui ne me transcende pas. Godard arrive à me percuter de temps en temps mais ici pas trop hélas même si j'ai vraiment bien aimé le film. Je comprends qu'on puisse adorer mais ce n'est pas mon cas.